Antidépresseur tricyclique. Toxicité

Les antidépresseurs tricycliques (TC) sont des médicaments psychotropes qui exercent une action dose-dépendante sur le système cardiovasculaire. Ils possèdent des propriétés anticholinergiques et un effet stabilisant de membrane (ou quinidine-like). Ils inhibent la recapture de la noradrénaline et possèdent un effet alpha-bloquant [1].

ECG à dose thérapeutique

Les TC accélèrent légèrement la fréquence cardiaque et prolongent modérément l’intervalle QT tandis que les ondes T s’aplatissent. On peut observer une prolongation modérée de la conduction AV. Les complexes QRS restent fins.

Chez les patients atteints d’un syndrome du QT long congénital, un intervalle QT long expose au risque de torsade de pointes ou de mort subite. L’apparition d’un ECG Brugada type 1 est exceptionnel, mais en contrindique l’emploi. Pour ces deux raisons, un ECG pré-thérapeutique est recommandé (Cf. ECG et psychotropes).

ECG à dose toxique

Les TC provoquent un risque de convulsions, une détérioration de l’hémodynamique et des anomalies du rythme ventriculaire parfois fatals (cf. Effet stabilisant de membrane)[1][9]. Plusieurs signes ECG sont particulièrement évocateurs d’une intoxication sévère [1][2][3].

  • Une tachycardie. Elle est généralement de type sinusal, mais la reconnaissance des ondes P sinusales, aplaties et masquées dans la repolarisation, est parfois impossible.
  • Un ralentissement de la conduction atrioventriculaire : l’intervalle P-R est souvent allongé. Un bloc AV 2 type Wenckebach (Mobitz 1) ou un bloc AV plus sévère est possible.
  • Un bloc intraventriculaire :
    • le blocage distal de la conduction (au niveau des cellules de Purkinje) débute par une déviation axiale droite dans le plan frontal des 40 dernières millisecondes (T40-ms) du QRS > 120° (élément prédictif d’une intoxication sévère).  Cette déviation axiale droite s’exprime particulièrement bien dans les dérivations gauches (DI-VL et V5-V6) sous la forme d’une onde S élargie et profonde et dans la dérivation VR sous la forme d’une onde R proéminente (simili Brugada). Ainsi en VR (où l’aspect habituel est rS), on observe un aspect qR avec une onde R > 3 mm ou un rapport R/S supérieur à 0,7 [4][5][6]. Cette onde R proéminente en VR est le signe ECG le plus révélateur d’une intoxication par les dérivés tricycliques [8].
    • Le blocage proximal se traduit par un élargissement des complexes QRS, généralement non spécifique d’un bloc de branche (bloc intraventriculaire). Les QRS peuvent devenir très larges (> 160 ms) et bizarres distal en rapport avec l’altération des propriétés de conduction du réseau de Purkinje. En cas de tachycardie (fréquence 120 à 150/min), l’existence de complexes QRS larges et bizarres est confondant avec une tachycardie ventriculaire, mais ce n’est généralement pas le cas. Un traitement alcalinisant corrige généralement la durée des QRS et permet de retenir le diagnostic de tachycardie supraventriculaire [9][10].
  • La repolarisation est altérée avec des anomalies non spécifiques du segment ST ou de l’onde T (aplatie), mais deux anomalies sont plus spécifiques d’une intoxication sévère.
    • un intervalle QT long avec un allongement quasi constant du QTc au-delà de 470 ms et de mauvais pronostic au-delà de 500 ms.  Des valeurs > 500 ms sont fréquentes en cas de mesure par la formule de Bazett (qui exagère le QTc en cas de tachycardie) ou de complexes QRS larges (qui prolongent ipso facto le QT).
    • une phénocopie du syndrome de Brugada, plus rare (10-15% des cas) mais très évocatrice avec un segment ST en dôme en V1-V2, (voir blog de S Smith) [6][7].
  • Toute forme d’ectopie supraventriculaire ou ventriculaire est possible. Une arythmie ventriculaire maligne (TV/FV) peut survenir et précipiter le décès. Des torsades de pointes sont rares.

Vidéo formation ECG toxique YouTube. P. Taboulet (25 min).  Ce module fait la synthèse des signes les plus évocateurs d’un ECG « toxique », c’est à dire d’un ECG modifié par des toxiques cardiotropes qui agissent sur le système sympathique et parasympathique, ou sur le potentiel d’action des myocytes. L’exemple type d’ECG toxique résulte de l’action des substances « stabilisant de membrane » ou « quinidine like » qui bloque essentiellement les canaux sodiques et potassiques de dépolarisation et repolarisation rapide des myocytes ventriculaires. Nous en verrons certains exemples pathognomoniques au côté de tracés d’intoxication digitaliques et autres toxiques auquel on ne pense pas toujours10 signes sont à connaître…. Plus il y a de signes, plus il y a (mal)chance qu’un patient soit intoxiqué par des cardiotropes. Certains signes sont simples à rechercher et particulièrement évocateurs… Une riche iconographie et bibliographie illustre les propos. Il est support de cours du Pr MEGARBANE Bruno pour l’enseignement aux DES de Médecine Intensive et Réanimation (2e et 3e années)

Toxicité clinique et traitement [1][8]

Une détérioration rapide de l’hémodynamique avec choc cardiogénique ou hypotension, (combinaison de la contractilité myocardique réduite et baisse des résistances vasculaires systémiques due à l’effet alpha-bloquants) ou des convulsions qui précipitent les troubles du rythme peuvent se produire jusque dans les 24 heures suivant l’ingestion, rarement au-delà. Le risque de convulsions apparaît en cas de complexes QRS de durée > 100 ms dans les dérivations des membres, et le risque d’arythmie ventriculaire au-delà de 160 ms. Ce risque apparaît également en cas de déviation axiale terminale droite du QRS (R proéminente en VR).

  • L’effet stabilisant de membrane observé à dose toxique est partiellement réversible sous l’action des sels de sodium alcalins molaires, lesquels sont indiqués dès que la durée des QRS atteint 0,12 sec (bicarbonates 84‰ IV: 1–2 ml/kg en bolus, renouvelable).
  • Un pré-traitement par lorazepam est indiqué en cas de risque de convulsions, guidé sur l’ECG en cas d’effet stabilisant de membrane reconnu par des QRS larges avec RSR’ ou une grande onde R dans VR.
  • D’autres traitement sont parfois proposés, comme les émulsions lipidiques, la physostigmine. La physostigmine (0,02 mg/kg IV à la vitesse de 0.5 mg/min et doses répétées) semble sans danger pour réduire le délire lorsque la peau du patient est sèche.
  • Le traitement non spécifique repose sur la réanimation conventionnelle et les drogues inotropes positives.

 

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