ECG. 4 lecture et synthèse

L’ECG est un examen complémentaire (“un test”) qui aide à répondre à une question : ce patient a t-il ? … Une raison d’avoir des palpitations, un retentissement de son hypertension artérielle, de son diabète ou d’un souffle cardiaque, une contrindication au sport, une explication quand à ses douleurs thoraciques, son essoufflement ou ses malaises, un risque de mort subite (enquête familiale), une modification de l’électrogénèse qui contrindique une prise médicamenteuse, une dyskaliémie/dyscalcémie, une hypothermie, un dysfonctionnement de pacemaker… ?

Comme pour tout examen complémentaire, la lecture d’un ECG peut être effectuée sans données cliniques, mais il est impossible de répondre à une question précise sans connaitre le contexte clinique. Le vieil adage de médecin “on ne trouve que ce que l’on cherche et on ne cherche que ce l’on connait” est tellement applicable à la lecture et donc à la synthèse d’un ECG*…

1 – CONTEXTE CLINIQUE

Avant l’enregistrement il est nécessaire de savoir :

  • POURQUOI fait-on l’ECG ?
  • QUI est le patient ? âge, sexe et parfois de l’ethnie (pour la reconnaissance des variantes de la normale), morphologie de la cage thoracique (pectus excavatum, pneumonectomie, hypertrophie mammaire… qui peuvent fausser la relation entre le coeur et les dérivations qui l’enregistrent), existence de pathologies chroniques ou prise(s) de médicament(s) à retentissement possible sur le cœur, existence d’un stimulateur cardiaque…
  • COMMENT est fait l’ECG : conditions spéciales d’examen (demi-assis, couché…), temporalité par rapport aux symptômes, polypnée, température, tension artérielle… qui a fait l’ECG… A noter sur l’ECG !

2 – CONTROLES DE QUALITÉ

L’enregistrement, la lecture puis l’analyse de l’ECG doivent être méthodiques. Avant de lire un ECG, il faut contrôler l’étalonnage (1 mV = 10 mm), la vitesse de déroulement du papier (25 mm/s), le choix des filtres (recommandés 0,05-150 Hz), l’horodatage et le nom du patient. S’il y a des artéfacts, il faut parfois abaisser le filtre passe-bas ≤ 100 voire 40 Hz (Vidéo P. Taboulet. Comment enregistrer un ECG ?).

On vérifie ensuite l’absence d’erreur dans la position des électrodes des membres et des électrodes précordiales. Si une seule des trois règles suivantes n’est pas respectée, il faut suspecter une inversion des électrodes frontales.

  1. Les ondes P et complexes QRS sont positifs en DI
  2. Les trois dérivation DI, DII ou DIII ne sont pas plates
  3. Le P-QRS-T n’est pas négatif en DIII

L’erreur la plus fréquente concerne le positionnement trop des électrodes V1-V2 (cf. Electrodes V1-V2 trop hautes), ce qui n’est pas sans modifier la qualité de lecture.

3 – LECTURE

La lecture de l’ECG doit être méthodique et rigoureuse. Les critères d’un ECG normal et les variantes de la normale doivent être bien connus. Les anomalies de rythme, de conduction intracardiaque et celles dues aux maladies cardiaques ou extra-cardiaques que l’on peut détecter doivent être bien connues aussi (cf. Electrocardiogramme).

Il faut lire intégralement le tracé ECG comme un livre, de haut en bas puis de gauche à droite, c’est-à-dire commencer par les six dérivations frontales puis les six dérivations précordiales et terminer par le tracé long d’une ou plusieurs dérivations (en général 10 secondes prévues en bas de page par les constructeurs).

Chaque déflexion doit être analysée méticuleusement [1].

L’activité atriale : onde P

La conduction atrioventriculaire

L’activité ventriculaire : complexes QRS (l’âme du coeur)

La repolarisation : point J, segments ST, ondes T et ondes U

  • segment ST : point J (sus-décalé, isoélectrique, sous-décalé), direction du ST (ascendant, horizontal, descendant) et forme (concave, convexe, en dôme, en aileron…), amplitude maximum
  • onde T : amplitude et polarité par rapport aux QRS,
  • onde U : amplitude et polarité par rapport à l’onde T

L’intervalle Q-T (durée de la systole électrique)

4 – Synthèse et interprétation

La transcription de la lecture doit préciser 5 points : (1) le rythme cardiaque et la fréquence, puis les éventuelles irrégularités de rythme et/ou les extrasystoles, (2) les éventuelles anomalies de conduction atrioventriculaire, (3) les éventuelles anomalies de morphologie des QRS et/ou de conduction intraventriculaire, (4) les éventuelles anomalies de repolarisation et (5) la durée de l’intervalle QTc en précisant la formule utilisée.

L’interprétation est destinée à répondre à la question posée par la situation clinique (à QUI fait-on l’ECG et POURQUOI ?) et peut préconiser une attitude ou un traitement. Elle doit donc tenir compte d’indispensables données cliniques  comme le(s) symptôme(s) ou la situation motivant la demande, l’âge, le sexe et parfois l’ethnie ou la morphologie de la cage thoracique du patient, les conditions d’examen (demi-assis, couché…), l’existence de pathologies, d’anomalies métaboliques ou la prise de médicament(s) à retentissement possible sur le cœur et de l’existence d’un stimulateur cardiaque.

Voici des exemples

  • ECG normal avec rythme sinusal à 70/min, sans anomalie de conduction, des QRS, de la repolarisation ou du QT
  • ECG normal avec variante de repolarisation du sujet jeune. Intervalle QTc Bazett 440 ms.
  • Dysfonction sinusale sévère en rapport probable avec la prise d’amiodarone…. Intervalle QTc Bazett 510 ms.
  • Fibrillation atriale à 99/min avec indices d’hypertrophie ventriculaire gauche et anomalies secondaires de la repolarisation
  • Rythme sinusal avec aspect d’infarctus aigu ST+ dans le territoire inférieur sans anomalies de conduction ou du rythme
  • Tachycardie supraventriculaire à 200/min évoquant une réentrée intranodale (“Bouveret”)
  • … Anomalies de repolarisation non spécifiques d’une ischémie myocardique. Refaire l’ECG toutes les 10 minutes. Scope
  • … ECG compatible avec une hyperkaliémie sévère. Faire une injection de gluconate de calcium, monitoring cardiaque, dosage sanguin. Avis du réanimateur.
  • Bradycardie sinusale alternant avec un rythme ventriculaire d’échappement. Dysfonction probable du pacemaker (anomalies de capture). Avis du rythmologue
  • … Anomalie de la repolarisation évoquant un probable effet Chatterjee secondaire au pacemaker

Model d’ECG Philipps avec algorithm (parfait)

Tous les controles de qualité sont présents (date, nom, âge, étalonnage, model Philipps etc) sont affichées; de plus les valeurs fournies par l’algorithme sont correctement figurées (c’est rare)

5 – TRACABILITE

Une signature lisible du médecin (et non un paraphe) doit figurer au côté de la description du tracé. Un exemplaire ECG doit être remis au patient et un autre gardé dans les archives médicales (format papier ou informatique). L’ECG appartient au patient.

 

*Il arrive aussi que ” quand on ne trouve pas ce qu’on cherche, il arrive qu’on trouve beaucoup mieux”

 

Vidéos YouTube (P. Taboulet)

Conseil de lecture : voir Livres ECG

[1] Hurst JW. Naming of the waves in the ECG, with a brief account of their genesis. Circulation. 1998 Nov 3;98(18):1937-42. (téléchargeable) “The complexes or deflections in these leads were denoted by letters P, Q, R, S, and T by Einthoven. These letters were chosen since vitamins A and B had been discovered and identified by the first letters of the alphabet. Einthoven used letters from the latter part of the alphabet in order to leave enough letters in the first part for new and yet undiscovered vitamins.” Dr Burch does not mention where he received this information, but because most vitamins were discovered much later than the ECG, the theory brought forward by Dr Hurst stating that Einthoven was thinking about Descartes when he used the letter P to designate a point on a curve seems much more credible.” 

[2] Mason JW et al. Recommendations for the standardization and interpretation of the electrocardiogram: part II: electrocardiography diagnostic statement list a scientific statement from the American Heart Association Electrocardiography and Arrhythmias Committee, Council on Clinical Cardiology; the American College of Cardiology Foundation; and the Heart Rhythm Society Endorsed by the International Society for Computerized Electrocardiology. J Am Coll Cardiol 2007; 49(10):1128-35. Review. (téléchargeable)


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