Sous-décalage du ST

Déviation du segment ST au-dessous de la ligne de base.

L’amplitude de la déviation se mesure à la fin du complexe QRS, au niveau du point J, par comparaison avec la fin du segment PR ou la ligne Q-Q (cf. Point J). Au cours d’un ECG d’effort, elle se mesure à 40 voire 80 ms au niveau du point J.

 

Le mécanisme électrophysiologique s’explique par la perte de capacité des cellules sous-endocardiques à atteindre une amplitude de dépolarisation identique aux cellules sous-épicardiques (théorie de la « dépolarisation incomplète ») ou par une différence de potentiel de repos entre les deux couches (théorie du « courant de lésion »).

 

Valeur seuil du point J

La valeur seuil pour un sous-décalage anormal du point J est 0,5 mm (0,05 mV) dans les dérivations V2-V3 et 1 mm (0,1 mV) dans les autres pour les hommes et les femmes de tous âges (AHA 2009 [1]).

Tout “nouveau sous-décalage de ST horizontal ou descendant < 0,05 mV dans deux dérivations contiguës” doit faire évoquer, en situation clinique compatible, un syndrome coronaire aigu non ST+ (ESC 2018 [2] et ESC 2020 [3]).

 

Etiologies

Pour en déterminer l’étiologie, il faut procéder comme pour l’analyse d’un sus-décalage de ST [4].

  • connaître les circonstances cliniques et le terrain (sexe, âge, sport, ethnie…),
  • analyser la ligne de base et vérifier le calibrage (1 mm = 0,1 mV)
  • préciser le rythme et la conduction intracardiaque
  • calculer la fréquence cardiaque afin d’écarter une anomalie secondaire de la repolarisation
  • définir le territoire électrique concerné (concordant ou diffus)
  • préciser l’amplitude du sous-décalage au niveau du point J par rapport au segment PQ, la courbure (rectiligne, convexe ou concave) et l’orientation (horizontal, descendant ou ascendant)
  • rechercher des complexes QRS modifiés par l’ischémie et des anomalies de l’onde T en faveur d’une étiologie ischémique (ischémie coronaire, SCA non ST+),
  • rechercher une perte de la discordance appropriée (cf. Critères de Sgarbossa) en cas de QRS larges (bloc de branche gauche, hypertrophie ventriculaire, faisceau accessoire, rythme infranodal ou rythme électroentraîné)
  • rechercher des anomalies en faveur d’une étiologie non ischémique (ex. péricardite, hyperkaliémie, embolie pulmonaire, takotsubo, préexcitation, repolarisation Brugada…)
  • mesurer l’intervalle QT et calculer la durée de l’intervalle QTc afin d’écarter un syndrome du QT long, une imprégnation médicamenteuse (ex. digoxine, amiodarone), une anomalie métabolique (hypokaliémie, hypercalcémie).
  • rechercher le caractère ancien, stable ou dynamique des anomalies (cf. ECG en situation ischémique).
  • enfin proposer une hypothèse « électrocardiographique » qui réponde le mieux à la question clinique (cf. ECG : lecture, analyse et synthèse).

 

Lire. P. Taboulet. 100 autour de l’infarctus.  S-édition (2020)

Étiologies

L’analyse précise du segment ST apporte des renseignements complémentaires utiles au diagnostic étiologique de certains sous-décalages de ST. Par exemple : [5]

  • un sous-décalage de ST ≥ 1 mm (≥ 0,5 mm en V2-V3) dans deux dérivations concordantes est anormal et doit faire évoquer – en situation clinique compatible – un syndrome coronaire aigu. Plus le segment ST est sous-décalé, plus une ischémie coronaire est probable (avec ou sans occlusion coronaire). Un sous-décalage ≥ 1 mm dans au moins 8 dérivations associées à un sus-décalage de ST en V1 et/ou VR doit faire suspecter l’occlusion du tronc commun, de l’IVA proximale ou une atteinte tritronculaire [1][2] (SCA non ST+ avec ST+ en VR).
  • un aspect horizontal ou descendant, mais rectiligne (« raide ») est en faveur d’une lésion sous-endocardique d’origine ischémique.
  • un aspect descendant à convexité supérieure se rencontre au cours d’une hypertrophie VG ou hypertrophie VD, d’un bloc de branche ou d’une préexcitation (le ST- est alors visible dans les dérivations où l’onde R ou l’onde delta domine).
  • un sous-décalage diffus avec microvoltage et une tachycardie doivent faire évoquer un épanchement péricardique.
  • un aspect ascendant évoque plutôt un trouble fonctionnel secondaire à une tachycardie, un collapsus, une cardioversion, sauf si l’onde T est rapidement ascendante, car il faut alors évoquer une étiologie coronaire (cf. complexe ST/ de de Winter).
  • un aspect descendant en cupule suggère une imprégnation digitalique ou plus rarement une hypercalcémie.
  • un aspect en S italique couché avec prolongation de l’intervalle QT évoque une imprégnation en amiodarone, en quinidine ou une hypokaliémie.

La spécificité de la courbure pour porter un diagnostic étiologique est faible. L’interprétation peut être facilitée par la comparaison avec des ECG antérieurs, la répétition des tracés, la règle de la discordance appropriée ou un test à la trinitrine.

Certains sous-décalages de ST associés à des troubles du rythme (comme une TV polymorphe) appartiennent au syndrome familial de sous-décalage de ST [6].


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