Dérivation VR

Dérivation cardiaque qui explore l’activité électrique du cœur à -150° (ou + 210°) dans le plan frontal. C’est une dérivation amplifiée (x 1,5) et unipolaire de Goldberger, construite mathématiquement à partir de la moitié des informations contenues dans les dérivations DI et DII d’Einthoven, car VR = -½ (I + II). L’exploitation de cette dérivation est souvent négligée en pratique clinique, car adjacente à aucune autre. Elle peut néanmoins apporter de précieuses informations [2].

Présentation de Cabrera

La dérivation inverse de VR (-VR) explore l’axe 30° dans le plan frontal. -VR permet donc une représentation plus harmonieuse des six dérivations frontales sur un ECG de manière à avoir 30° d’écart entre chaque dérivation de VL (-30°) à DIII (120°). Cette présentation harmonieuse de l’activité cardiaque dans le plan frontal est recommandée par les cardiologues américains [1] mais bien que disponible sur les nouveaux électrocardiographes, elle n’est pas adoptée en pratique (cf. Présentation de Cabrera »).

Syndrome coronaire aigu

La dérivation VR explore essentiellement la paroi basale du septum interventriculaire au-dessous des valves aortiques et pulmonaires (et – au-delà de la cavité ventriculaire – la face interne de l’apex et de la paroi latérale). Or la paroi basale du septum est irriguée par les premières branches septales de l’interventriculaire antérieure (cf. Territoire coronaire). Au cours d’un SCA, l’existence d’un sus-décalage de ST en VR témoigne de lésions coronaires sévères, de mauvais pronostic, qui justifient souvent un pontage aorto-coronarien [3].

  • Un sus-décalage de ST en VR > 0,05 mV associé à un sous-décalage de ST étendu dans les dérivations antérieures et inférieures en contexte de SCA révèle souvent des lésions coronaires sévères (occlusion très proximale de l’IVA voire du tronc commun ou des lésions tritronculaires) et s’accompagne d’une mortalité hospitalière d’autant plus élevée que le sus-décalage est prononcé [4]. Un sus-décalage de ST moindre est parfois associé en V1/VL. En étude multivariée, un ST+ ≥ 1 mm en VR permet d’identifier une atteinte sévère tronc commun/tritronculaire avec une sensibilité de 80%, une spécificité de 93%, une VPP de 56% et une VPN de 98% [5]. La présence de ce signe et l’amplitude du sus-décalage de ST en VR aggravent le pronostic des patients sans sus-décalage de ST classés à risque faible ou intermédiaire par le score Grace [6][7]. Comme le sus-décalage de ST en dérivation VR est une construction mathématique à partir des sous-décalages de ST visibles en DI et DII [VR = – ½ (DI + DII)], il constitue le “miroir” obligé d’une ischémie dans le territoire opposé (cf. SCA non ST+. ST- diffus avec ST+ VR).

  • Un sus-décalage de ST en VR ≥ 1 mm associé un sus-décalage de ST en territoire antérieur est rarissime, car traduit en général des lésions tritronculaires très sévères ou une occlusion du tronc commun d’évolution très rapidement fatale à court terme [8][9].
  • Un sus-décalage de ST en VR/V1 associé à un sus-décalage de ST en territoire inférieur doit faire rechercher un infarctus du ventricule droit.
  • Une onde T positive en VR au cours d’un infarctus antérieur aggrave le pronostic [11][12].

Péricardite aiguë

  • Un sous-décalage de ST en VR et un sus-décalage ascendant du PQ sont souvent cités comme indices d’une péricardite aiguë [13]. Là encore, ces signes ne dépendent que de la présence d’un sus-décalage de ST et d’un sous-décalage de PQ dans les dérivations DI et DII, car la dérivation VR est une construction mathématique à partir de DI et DII (Cf. Dérivations frontales).

Tachycardies à QRS larges

La dérivation VR peut aider à séparer les tachycardies supraventriculaires à QRS larges des tachycardies ventriculaires (TV).

  • Un axe des QRS situé dans le no man’s land (180-270°) est un signe en faveur d’une TV (néanmoins peu spécifique).
  • Vereckei a montré que quatre indices en VR renforçaient l’hypothèse d’une TV (Cf. Indice de Vereckei QRS en VR ): (1) une onde R initiale ; (2) une petite onde r ou q de durée > 40 ms, (3) un crochetage de la pente initiale d’un complexe QRS à prédominance négative, (4) un ratio vi/vt > 1 [15]. En pratique, la dérivation VR est difficile à exploiter en raison d’une faible amplitude et un début souvent multiphasique des QRS (un micro-onde q ou r ne doit pas être utilisée comme la première déflexion). De plus, la dernière étape de l’algorithme de Vereckei (nécessaire dans 50% des cas) nécessite l’estimation du ratio de vélocité vi/vt, ce qui est souvent laborieux (voire impossible sans une loupe) [16]. Enfin, le complexe QRS est souvent plus facilement analysable en dérivation DII (cf. Indice de Pava).

Une mauvaise identification du début du QRS, une inversion des électrodes frontales ou un traitement préalable par antiarythmique (ex. flécaïnamide) ou une hyperkaliémie créent des faux positifs.

Effet stabilisant de membrane et hyperkaliémie

  • Une onde R supérieure à 3 mm ou un rapport R/S supérieur à 0,7 dans la dérivation VR est très souvent le signe révélateur d’un blocage des canaux sodiques. Parmi les signes ECG révélateurs d’une intoxication par les stabilisants de membrane (ex. dérivés tricycliques ou flécaïnamide), c’est le plus révélateur [18]. Il peut s’observer aussi au cours d’une hyperkaliémie.

Syndrome de Brugada

  • Une onde R proéminente en VR serait un facteur pronostique de TV maligne au cours du syndrome de Brugada (étude rétrospective sur 132 patients) [24]

Takotsubo

  • La distinction entre un takotsubo (TK) et un infarctus antérieur serait facilitée par l’examen du segment ST dans les dérivations V1 (déviation vers le haut moins importante dans le TK) et VR (déviation plus importante dans le TK) [17].

Insuffisance cardiaque

Valeur pronostique de l’onde T positive en VR

  • L’amplitude de l’onde T en dérivation VR en cas de QRS < 120 ms est un outil ECG simple, pour identifier les patients à risque de décès CV. Si l’onde T est plate et surtout si elle est positive, ce pronostic est moins bon que si elle est négative. Cette valeur pronostique a été démontrée dans la population des insuffisants cardiaques [19] et des dialysés [20] mais également dans les populations américaine [21],[22] et finlandaise [23]. Une onde T positive en VR permet d’augmenter la suspicion de maladie cardiovasculaire et d’orienter le malade vers un spécialiste.
  • Non,-compaction du VG. Valeur pronostique mauvaise de l’onde T positive en VR [25].

Bloc fasciculaire droit

Intéressante publication ! Obregón-Rosas S, Montañez-Aguirre ÁA, Sotelo-Lozano MT, Ortega-Cerda JJ. Right fascicular blocks: A case series and a comprehensive electrocardiographic analysis. J Electrocardiol. 2023 Nov-Dec;81:159-162.

 

Blog de SW Smith

 

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