Préexcitation 2. Mineures ou cachées

L’importance sur l’ECG d’une préexcitation ventriculaire (PEV) dépend du temps mis par l’influx atrial pour atteindre le ventricule par le faisceau accessoire par rapport au temps mis par cet influx pour descendre simultanément dans la voie nodo-hisienne. Ce temps varie en fonction de la localisation et des propriétés physiologiques du faisceau accessoire en compétition avec la conduction nodo-hisienne (cf. Faisceaux accessoires). Il existe donc une infinité de présentations ECG chez un même malade (variabilité en fonction du temps) ou d’un malade à l’autre [3].

L’onde delta d’une PEV peut être :

  • patente (onde delta et QRS ≥ 120 ms)
  • mineure (onde delta frustre à type d’empâtement du pied du QRS < 120 ms). La voie accessoire este lente ou nait après le noeud AV (fibres de Mahaïm) Mineure ne veut pas dire sans danger. Il n’y a pas de corrélation entre l’importance de la PEV et le risque d’arythmie sévère [3].
  • latente ou intermittente (> 10% des cas), parfois bigéminée. Elle peut apparaître lors d’un ralentissement (stimulation vagale spontanée ou induite par l’adénosine) ou une accélération de la fréquence cardiaque (stimulation atriale ou épreuve d’effort).
  • occulte (invisible sur l’ECG). Lorsque la conduction dans le Kent ne peut se faire que par voie rétrograde per tachycardie orthodromique.
  • disparaître avec l’âge. Les formes découvertes tardivement sont plus rarement symptomatiques.

Les PEV mineures avec intervalles PR normaux ne sont pas toujours reconnues par les algorithmes d’interprétation et les médecins (Cf. Intervalle PR). Les cas avec un PR normal s’expliquent par : a) une préexcitation par des fibres de Mahaïm (très rares), lesquelles connectent le nœud AV (fibres nodo-ventriculaires) ou un fascicule (fibres fasciculo-ventriculaires) avec le myocarde ventriculaire; b) des voies accessoires avec conduction lente (voie accessoire atrio-fasciculaire droite); c) la présence d’une voie accessoire AV gauche longue, surtout s’il existe un bloc inter-atrial [4].

  • Quand l’onde delta est minime avec un PR légèrement court < 120 ms en regard de l’onde delta, une transition précoce des QRS (R ≥ S) en V1 (parfois V2), une absence d’onde q septale en V6 ou d’onde r en VR aident à reconnaître la préexcitation [1].
  • Quand l’intervalle PR moyen (celui donné par l’algorithme) est normal, il faut regarder/mesurer le PR dans toutes les dérivations car il peut être plus court uniquement dans la dérivation ou l’on suspecte une préexcitation. Une variation de l’intervalle PR (∆PR) selon les dérivations ≥ 20 ms aident à reconnaître la préexcitation [1].
  • Vidéo YouTube (Cas clinique 15 min P. Taboulet). Un détail à ne pas rater

 

Le degré de préexcitation varie fréquemment. La préexcitation peut augmenter si la conduction par le nœud AV s’amoindrit (manœuvres vagales, médicaments, etc.) et elle peut diminuer voir disparaître temporairement si la conduction par ce même nœud est favorisée (exercice, etc.). Les changements de morphologie sont parfois brusques (Figure 5.3 A et B) et parfois progressifs (effet concertina) (Figure 5.3 C). La présence de changements dans la morphologie du QRS, disparition de l’onde delta mais persistance du PR court, sont en faveur de l’idée qu’il existe deux voies ou deux types de préexcitation [4].

Les PEV fasciculo-ventriculaires sont des curiosités car elles ne donnent pas d’arythmies. La voie accessoire relie le faisceau de His au septum ventriculaire. L’espace PR est normal et la préexcitation est mineure, voisine des préexcitations antéro-septales. Le degré de la préexcitation reste constant quelle que soit la longueur de PR. Un réflexe vagal ou l’injection d’adénosine qui allonge le PR ne modifie pas le degré de préexcitation et s’il y a un échappement jonctionnel, il est identique aux complexes conduits. De plus amples investigations rythmologiques ne sont pas nécessaires [2].

 

Diagnostics différentiels : voir Préexcitation. généralités

 

ECG incroyables proposés par S Smith sur son blog US (cf.)

 

Voir aussi :

  • Préexcitation 1. Généralités ;  2. Mineures ou cachées;  3. Conduite à tenir
  • Intervalle PR, Onde delta, Faisceau de Kent, Fibres de Mahaïm
  • Syndrome de WPW

 

Références commentées réservées aux abonnés

[1] Eisenberger M1, Davidson NC, Todd DM, Garratt CJ, Fitzpatrick AP. A new approach to confirming or excluding ventricular pre-excitation on a 12-lead ECG. Europace. 2010;12(1):119-23.

“We retrospectively analysed multiple variables on pre- and post-ablation ECGs in 238 patients with manifest accessory pathways that had been successfully ablated.  « Using the proposed algorithm, only one pre-excited ECG was misdiagnosed owing to the presence of an R wave in lead aVR, and 237 were correctly diagnosed.  Seulement 10% de PR ≥ 120 ms dans l’étude.

[2] Dans les cas explorés, le HV est court et constant quelle que soit la longueur de AV. La primo dépolarisation ventriculaire est septale proche du faisceau de His. La période réfractaire du faisceau accessoire est différente de celle du faisceau de His de sorte qu’il est possible par stimulation atriale de normaliser le QRS. Les antiarythmiques (ajmaline) suppriment aussi la préexcitation et une ablation est possible. Dire que cet aspect est bénin est une autre histoire car, s’il ne donne pas de tachycardie spécifique, il cache parfois une cardiomyopathie. Merci au Pr Robert Grolleau

[3] Brembilla-Perrot B, Sellal JM, Olivier A, et al. A case series of patients with poorly-tolerated arrhythmias related to a preexcitation syndrome and presenting with atypical ECG. Int J Cardiol. 2014;174(2):348-54 –

-> ECGs of 861 patients in whom PS related to an atrioventricular accessory pathway (AP) was identified at electrophysiological study (EPS), were studied. Results: The most frequent unusual presentation (9.6%) was the PS presenting with a normal or near normal ECG, noted preferentially for left lateral AP and rarely for posteroseptal or right lateral location. More exceptional (0.1%) was the presence of a long PR interval, which did not exclude a rapid conduction over AP. The association of a complete AV block with symptomatic tachycardias was exceptional (0.3%) and was shown related to a rapid conduction over AP after isoproterenol. Most of the presented patients were at high-risk at EPS.

[4] Revue médicale Suisse. Leçon 5 : Préexcitation ventriculaire (accès libre)

Un signe ECG clé pour le diagnostic de préexcitation est que l’intervalle PR soit court (Figure 5.1). Il dure généralement entre 0,08 s et 0,11 s. Les cas avec un PR normal sont rares et s’expliquent par: a) la préexcitation par voies classiques de Mahaim (très rares), lesquelles connectent le nœud AV (nodo-ventriculaires donc) ou un fascicule (fasciculo-ventriculaires) avec le myocarde ventriculaire; b) les voies accessoires avec conduction lente (voie accessoire atrio-fasciculaire droite); c) la présence d’une voie accessoire AV gauche longue, surtout s’il existe un bloc interauriculaire. Dans ces situations, l’intervalle PR peut être dans la limite de la norme (0,12 s – 0,14 s). Il n’est donc pas réellement court, mais il l’est plus que s’il n’y avait pas préexcitation.

Le degré de préexcitation varie fréquemment. La préexcitation peut augmenter si la conduction par le nœud AV s’amoindrit (manœuvres vagales, médicaments, etc.) et elle peut diminuer si la conduction par ce même nœud est favorisée (exercice, etc.). Il faut prendre en compte que la préexcitation est souvent intermittente, ce qui a pu être plus étudié grâce au Holter ECG. Les changements de morphologie sont parfois brusques (Figure 5.3 A et B) et parfois progressifs (effet concertina) (Figure 5.3 C). La présence de changements dans la morphologie du QRS, disparition de l’onde delta mais persistance du PR court, sont en faveur de l’idée qu’il existe deux voies ou deux types de préexcitation.