ECG Brugada type 1 ou 2

L’ECG Brugada (“Brugada ECG Pattern“) doit être évoqué en cas de complexes QRS larges avec une morphologie voisine d’un bloc de branche droit et une élévation très particulière du segment ST dans les dérivations précordiales droites. Il ne s’agit pas d’un bloc de branche droit, mais d’un retard de conduction localisé dans la chambre de chasse du VD. L’identification d’un ECG Brugada (Br) permet de diagnostiquer (Br type 1) ou de suspecter (Br type 2) un syndrome de Brugada et réduire ainsi le risque d’arythmie ventriculaire ou de mort subite.

L’ECG Brugada est dynamique et deux types peuvent être présents parfois successivement chez le même patient ou après provocation pharmacologique (Priori 2013, Antzelevitch 2017) [1].

L’ECG type 1

C’est le « Brugada typique » caractérisé par une élévation du point J, un sus-décalage de ST en dôme et une onde T inversée (J-point elevation of 0.2 mV with coved ST elevation and T wave inversion) en dérivation V1 ou V2, o u V1 et V2 ou plus rarement V1-V2-V3 [3]. Il peut être spontané ou provoqué, visible en regard des dérivations V1-V2 traditionnelles (électrodes V1-V2 posées en parasternale au 4e espace intercostal) ou 1 à 2 espaces intercostaux plus hauts [1][5][6]. Un ECG Br type 1 permet de porter le diagnostic de syndrome de Brugada.

  • Le sus-décalage de ST en dôme débute dès la fin du QRS (au point J ou fin de la dépolarisation) et s’élève ≥ 2 mm au-dessus de la ligne de base. La partie ascendante du segment ST en dôme est rapide et brève tandis que la partie descendante a une pente plus faible qui la distingue d’un bloc de branche droit (à 40 ms du pic d’amplitude du QRS, la réduction d’amplitude du ST est ≤ 4 mm et à 80 ms le ratio du pic d’amplitude du QRS/amplitude de ST est > 1 (< 1 chez l’athlète) [3]. Ce dôme est moins ample et moins fréquent en V2 et exceptionnel en V3. Il est parfois triangulaire. Les anomalies n’apparaissent pas au-delà de V3 et ne s’accompagnent pas de miroir. Le segment ST se termine par une onde T inversée symétrique en V1-V2, parfois V3.
  • Le complexe QRS en V1 est anormalement large en raison d’un ralentissement de la portion finale. L’onde S en précordiales droites peut être ascensionnée ou manquer. Il est plus étroit en V6 (“mismatch V1-V6”) de type Rs avec une onde s qui n’est pas aussi large que la déflexion terminale du QRS en V1 (contrairement au bloc de branche droit).

L’ECG type 1 peut être atténué ou évoluer vers un type 2 – voire absent – en dehors des évènements rythmiques. À l’inverse, le passage du type 2 vers le type 1 est possible chez un même patient, soit en fonction de facteurs physiologiques, soit :

  • en positionnant les électrodes précordiales 1 ou 2 espaces intercostaux plus hauts (en regard de la chambre de chasse du VD, 3e ou 2e espace). Si un type 1 est visible, le diagnostic de syndrome de Brugada peut être porté [1][5][6].
  • au cours d’un test d’induction pharmacologique (type test à l’ajmaline) [4][8]. Dans ce cas, le diagnostic de syndrome de Brugada peut être porté. L’utilisation d’un bloqueur du canal sodique (ajmaline, flécaïnide, procaïnamide, pilsicainide) pour induire un type 1 et affiner le pronostic est discutée [9].
  • après prise de certains médicaments (ex. antiarythmique de classe Ic, antidépresseur, cocaïne…) ou survenue d’une fièvre (voir le site dédié www.brugadaphenocopy.com). Mais dans ce cas, l’apparition d’un type 1 ne permet pas de conclure à l’existence d’un authentique ECG type 1.

L’ECG type 2

Il correspond à un aspect particulier du segment ST+ en « selle » ou en « dos d’âne » (saddleback pattern) en dérivation V1 ou V1. Le type 2 permet de suspecter un syndrome de Brugada, mais pas de l’affirmer.

  • Le sus-décalage du segment ST est concave avec un creux situé  0,5 mm au-dessus de la ligne isoélectrique. On distinguait, avant la conférence de consensus de 2005, les Br type 2 avec ST+ ≥ 1 mm et les Br type 3 avec ST+ ≥ 0,5 mm [12]. Il est suivi par une onde T positive en V2 plus haute que le segment ST (sommet de T > ST le plus bas > 0) et une onde T de morphologie variable en V1 [5][12].
  • Le complexe QRS large en V1-V2 se termine par une brève déflexion positive (r’) qui s’élève ≥ 2 mm au-dessus de la ligne isoélectrique (avant le début du QRS). Le bras descendant de l’onde r’ a une pente faible (≥ 35°) qui se termine au-dessus de la ligne de base et se prolonge par le segment ST. Des mesures d’angles sont parfois utiles pour reconnaitre un Br type 2 des autres diagnostics [5]. Le complexe QRS est plus large en V1 qu’en V6 avec « mismatch V1-V6 ».

Les types 2 sont parfois très atypiques ou frustes +++. Dans le doute, un avis spécialisé est justifié.

Autres anomalies ECG possibles

  • Une prolongation de l’intervalle P-R, la présence d’une onde r’ en VR > 3 mm, une repolarisation précoce ou une repolarisation Brugada spontanée ou induite dans les dérivations inférieures [10], des complexes QRS fragmentés sur la branche ascendante de S [13][14], une alternance de l’onde T après injection d’ajmaline, une arythmie supraventriculaire (fibrillation atriale principalement), des extrasystoles ventriculaires à type de retard gauche [5].
  • Une majoration du sus-décalage de ST peut parfois précéder les événements arythmiques [12].
  • Le point J est parfois fragmenté, spontanément ou après perfusion d’ajmaline, et ressemble étroitement à une onde epsilon (Cf. Cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène) réf. Bartolo Martini in « Sudden death. Causes, risk factors and prevention »

De nombreux médicaments sont contrindiqués – quel que soit le type d’ECG – et les patients doivent être informés du risque lié à certains états somatiques. Voir ici.

 

Formation YouTube (P. Taboulet)10c : Arythmie ventriculaire, Brugada, QT long


Blog de SW Smith et John Larkin 

Liste de médicaments contre-indiqués en cas de Syndrome de Brugada : ici

 

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