Dérivations qui permettent l’enregistrement des variations de potentiel électrique du cœur à l’aide d’électrodes posées sur les membres (Cf. Electrodes frontales) [1].
Synonyme. Dérivations des membres (limbs leads)
Dérivations d’Einthoven (DI-DII-DIII)
Les dérivations DI, DII et DIII (ou dérivations d’Einthoven, 1917) sont dites bipolaires car elles enregistrent la différence de potentiel électrique entre deux des trois électrodes positionnées sur le poignet gauche, le poignet droit et la jambe gauche [7]. Ces dérivations dites “standards” délimitent le triangle d’Einthoven dans lequel le cœur est situé “schématiquement” au centre d’un triangle équilatéral, avec DIII = DII – DI et donc DII – (DI+DIII) = 0 (Cf. Electrocardiographe). Elles sont dites semi directes car situées à distance du cœur [4].
- DI : dérivation entre le poignet droit et poignet gauche : explore le cœur selon un axe à 0°
- DII : dérivation entre le poignet droit et la jambe gauche : explore le cœur selon un axe à +60°
- DIII : dérivation entre le poignet gauche et jambe gauche : explore le cœur selon un axe à +120°*
* Il n’y a pas 120° entre le poignet gauche et la jambe gauche. Les trois dérivations sont construites pour obtenir cet angle.
Dérivations de Golberger (VL VF, VR)
Les dérivations VL VF, VR (ou dérivations de Golberger, 1942) sont dites unipolaires, car elles enregistrent la différence de potentiel électrique entre une électrode positive (celle qui donne le nom à la dérivation que l’on explore) et l’autre dite nulle (obtenue par la connexion – ou “averaged inputs” – des deux autres électrodes d’Einthoven) [5]. Par exemple, VF est obtenue par la différence d’activité électrique entre l’électrode jambe gauche (Ejg) comme pôle positif et la connection des électrodes de poignet gauche et droite (Eg et Ed) comme pôle nul [VF = Ejg – 1/2 (Eg + Ed)] et décrit donc l’activité électrique du coeur dans le plan vertical à 90° en fonction du temps.
- aVL : dérivation entre le poignet gauche et la connexion du poignet droit avec la jambe gauche [avec VL = 1/2 (DI – DIII)] : explore l’axe du coeur à -30°
- aVF : dérivation entre la jambe gauche et la connexion des poignets droit et gauche [avec VF = 1/2 (DII + DIII)] : explore l’axe du coeur à +90°
- aVR : dérivation entre le poignet droit et la connexion du poignet gauche avec la jambe gauche [avec VR = -1/2 (DII + DI)] : explore l’axe du coeur à -150°
Les dérivations de Goldberger sont en fait bipolaires si on considère que le pôle opposé (“Goldberger’s central terminal”) n’est pas nul (ce qui est le cas) et augmentées de 50% (aVR, aVL, aVF) telles que aVL = 3/2 VL par suppression de la résistance de 5000 Ohms au niveau de l’électrode de mesure [6], résistance mise en place par Wilson pour ses dérivations unipolaires précordiales [3].
- Les dérivations de Goldberger sont redondantes avec celles d’Einthoven, c’est à dire qu’elles n’apportent aucune information nouvelle, juste une présentation des courants électriques selon des axes différents de DI, DII, DIII. Autrement dit “tout ce qui est visible en VR, VL, VF est visible sous une autre forme dans les dérivations qui les composent”, mais cela facilite, avec l’usage, la reconnaissance des entités pathologiques (enhances pattern recognition) [6].
- La lettre D, pour “dérivation”, n’est pas en usage dans les pays anglo-saxons qui les appellent simplement I, II et III. En revanche, la lettre a devant une dérivation unipolaire (aV pour augmented voltage) n’est pas en usage en France où l’on écrit simplement VR, VL, VF ce qui peut faire oublier que les signaux électriques sont amplifiés dans ces dérivations et que certaines informations sont elles aussi amplifiées (ex. le sus-décalage de ST en VL ou le sous décalage de ST en VR utilisé pour le diagnostic du syndrome coronaire aigu) [3].
- D’autres dérivations composées à partir des électrodes des membres peuvent être utiles chez un patient dont l’activité atriale n’est pas clairement visible, parce que les ondes P sont microvoltées et/ou masquées dans les ondes T (cf. Dérivations de Lian/Léwis/Fontaine).
Intérêt des dérivations frontales
Les dérivations frontales sont nécessaires pour le calcul de l’axe du cœur
Elles facilitent le diagnostic (Cf. dérivation VR, dérivation VL…) des :
- blocs fasciculaires,
- arythmies supraventiculaires ou ventriculaires,
- syndrome coronaire aigu et des séquelles de nécrose
- hypertrophie ventriculaire droite ou hypertrophie ventriculaire gauche
- situs inversus
- …
Les dérivations DI et V6 (latérales gauches), VR et V1 (supérieures droites) et VL et V2 (supérieures gauches) explorent l’activité électrique du cœur selon des axes perpendiculaires, mais si le vecteur électrique moyen est situé sur la bissectrice des axes, ces dérivations peuvent être similaires (voir ci-dessous).
Des erreurs dans la disposition des électrodes frontales sont fréquentes. Pour les détecter, il faut repérer les ECG qui présentent en rythme sinusal une onde P négative en DI-DII, une dérivation DI ou DII ou DII plate ou un complexe QRS-T complètement négatif en DIII (Cf. Inversion des électrodes frontales).
Il faut éviter la position thoracique ou abdominales des 4 électrodes des membres. Elles entrainent des modifications notables incompatibles avec une interprétation fiable de l’ECG (en dehors du rythme) [2] : voir Electrodes frontales
Présentation de Cabrera
- Sur un ECG, les dérivations frontales sont classiquement représentées de haut en bas : DI-DII-DIII et VR-VL-VF (ou de gauche à droite). Ce type de représentation est moins logique que la présentation de Cabrera : VL, DI, -VR, DII, VF puis DIII.
- Cette représentation panoramique améliore la quantification spatiale de l’infarctus, facilite les calculs d’axe de QRS et se calque sur la méthode de représentation des dérivations précordiales.
- Elle est actuellement recommandée par les Sociétés de Cardiologie américaines (AHA, ACC, HRS 2007 [1]).
A lire. Fye WB. A history of the origin, evolution, and impact of electrocardiography. Am J Cardiol 1994; 73:937-49.