Une baisse du potassium extracellulaire peut modifier la repolarisation des fibres atriales ou ventriculaires et favoriser des arythmies. En effet, le potassium joue un rôle indispensable au cours de la stabilité membranaire après leur contraction (cf. Potentiel d’action).
Le potassium corporel total est d’environ 50 mmol/kg (soit environ 3500 mmol chez une personne de 70 kg), dont 98 % intracellulaires. L’apport journalier moyen est de 1 mmol/kg/j soit, pour 70 kg, 70 mmol/j (ou 6 g/j car 13 mmol = 1 g). Les reins éliminent 90 % du potassium, tandis que les 10 % restants sont évacués par l’intestin. Les étiologies responsables d’hypokaliémie sont nombreuses (ex. diarrhées, diurétiques, anorexie…) [2].
Les signes cliniques se limitent à une faiblesse musculaire, à des crampes, à une constipation parfois sévère ou à des palpitations, voire des malaises secondaires aux troubles du rythme [1].
Certaines hypokaliémies profondes sont parfois responsables de paraparésie ou de tétraparésie soudaine pour lesquelles l’ECG est rapidement utile au diagnostic de paralysie périodique thyrotoxique (maladie de Westphall) ou familiale ([9] et réf. ).
Aspect ECG
Les modifications ECG sont dues à la prolongation de la phase 3 du potentiel d’action des fibres myocardiques. Néanmoins, la corrélation entre la profondeur de l’hypokaliémie et les signes ECG est assez mauvaise [3], tout comme les signes ECG et le risque vital [4].
- Une hypokaliémie modérée (kaliémie 3-3,5 mmol/l ou déficit potassique entre 100 et 200 mmol) s’accompagne d’un ECG normal ou d’une diminution d’amplitude de l’onde T avec légère augmentation d’amplitude de l’onde U qui peut dépasser T dans au moins une dérivation précordiale.
- Une hypokaliémie plus sévère (kaliémie 2,7-3 mmol/l OU déficit potassique entre 200 et 300 mmol) s’accompagne d’une onde T aplatie avec une onde U largement dominante (ratio U/T > 1) qui fusionne parfois avec l’onde T dans certaines dérivations (surtout DII, V3) (cf. Onde U). L’intervalle QTc est allongé, mais difficile à mesurer [4][8][10]. L’intervalle Q-U est prolongé. Attention à la formule de Bazett qui minore ou majore la valeur du QTc quand la fréquence cardiaque s’éloigne trop de 60/min).
Remarques
-
- Attention à la formule de Bazett qui fausse la valeur du QTc quand la fréquence cardiaque s’éloigne trop de 60/min)
- la valeur réelle du QT est difficile à mesurer en raison de la superposition de l’onde T et de l’onde U.
- une onde U ample et retardée peut masquer l’onde P (surtout en cas de tachycardie ou de PR long qui peut apparaître).
- Il faut parfois se contenter d’un intervalle QT long et/ou d’une onde U ample pour évoquer le diagnostic d’hypokaliémie.
- Une hypokaliémie encore plus sévère (déficit potassique au-delà de 300 mmol, soit 23 g) s’accompagne d’un sous-décalage de ST descendant (≥ 0,5 mm, surtout en DII, V3-V1), un peu concave vers le haut, suivi par une onde T qui se positive tardivement et fusionne avec l’onde U ample (kaliémie < 2,7 mmol/l). Comme l’intervalle QT est long [4], il en résulte parfois un aspect assez typique en « S italique couché » dans certaines dérivations (stades 3-4) qui permet l’identification aisée de l’hypokaliémie [10]. La dérivation V3 doit être bien examinée en cas de suspicion d’hypokaliémie.
Remarques
- Le diagnostic peut être très difficile si le rythme est rapide ou irrégulier [5].
- Des ondes J sont possibles, mais exceptionnelles [7].
Complications
Troubles du rythme inconstants, mais qui peuvent menacer le pronostic vital.
- Des extrasystoles atriales ou une hyperexcitabilité atriale peuvent annoncer la survenue d’une arythmie atriale (cf. Fibrillation atriale), dont le risque est grossièrement corrélé avec la profondeur de l’hypokaliémie.
- Un rythme jonctionnel accéléré est possible (hyperautomatisme bénin).
- Des extrasystoles ventriculaires ou des salves de tachycardie ventriculaire sont des signes de gravité.
- L’association bradycardie + hypokaliémie expose à des torsades de pointes.
- De façon exceptionnelle, mais très évocatrice d’une hypokaliémie sévère (ou d’un toxique), on peut observer une tachycardie ventriculaire bidirectionnelle.
L’hypokaliémie est encore plus dangereuse en cas :
- de bradycardie ou d’extrasystoles ventriculaires (majoration du risque d’arythmie ventriculaire)
- d’ischémie myocardique
- de syndrome du QT long acquis (ex. médicamenteux neuroleptique, antidépresseur tricyclique…) ou QT long congénital
- d’hypomagnésémie (cf. Magnésium)
- d’imprégnation et surtout intoxication digitalique.
Parmi les causes exceptionnelles, citons la paralysie périodique thyrotoxique (surtout homme jeune, asiatique [9]), les causes génétiques et la prise chronique de réglisse qui contient de l’acide glycyrrhizique [5][6].
Diagnostics différentiels
- Repolarisation en « S italique couché » au cours d’une imprégnation en amiodarone
- Repolarisation en “canard de profil” secondaire à de l’hypertrophie ventriculaire gauche (cf. HTA) [8].
- QT long avec onde T déformée dans un syndrome du QT long congénital.
- QT long et onde U ample au cours de certains accidents cérébro-vasculaires (ratio T/U généralement non altéré), certains blocs AV complets avec bradycardie (risque de torsade de pointes) ou certains désordres acidobasiques [8].
Vidéo YouTube : Hypokaliémie (17 min)
Voir aussi : Onde U
Voir aussi : life in the fastlane
Blog de S Smith
- Young woman with weakness. The ECG is pathognomonic. What is it?
- STEMI with Life-Threatening Hypokalemia and Incessant Torsades de Pointes
- Insulin Overdose: Does this ECG help to Guide your Management?
Si vous souhaitez améliorer ce contenu, merci de me contacter
Références (abonnés)
La suite est réservée aux membres et stagiaires du site.
Se connecter | Devenir membre | Devenir stagiaire