Les tachycardies à complexes QRS larges (≥ 0,12 s)
- TSV avec bloc intraventriculaire proximal (Cf. Bloc de branche ou aberration ventriculaire BBD ou BBG)
- TSV avec bloc intraventriculaire distal (Cf. Hyperkaliémie, Effet stabilisant de membrane, Flutter flécaïnide, Ischémie myocardique)
- TSV avec préexcitation (FA, flutter atrial ou TAF)
- Tachycardies antidromiques (Cf. Syndrome de Wolff-Parkinson-White)
- Tachycardies par réentrée électronique et autres tachycardies médiées par un pacemaker (Cf. Dysfonction de pacemaker)
- Tachycardies ventriculaires (probablement les plus fréquentes)
La fréquence des TV est probablement égale ou inférieure à celle des TSV malgré des références sur ce sujet qui annoncent une prévalence de 80% de TV… vue par des électrophysiologistes [11][12] et non pas dans un case mixte aux urgences comme le pense Garmel et al. [2].
L’approche diagnostique d’une tachycardie régulière à QRS larges est orientée vers l’élimination d’une tachycardie ventriculaire dont le pronostic est souvent moins bon (risque de dégénérescence en fibrillation ventriculaire) et parce que l’administration de médicaments habituellement utilisés pour traiter une tachycardie supraventriculaire (TSV) peuvent être nocifs pour les patients en tachycardie ventriculaire (TV).
La comparaison du tracé per tachycardie avec des ECG antérieurs, l’obtention de tracés longs ou répétés et l’enregistrement de fin de tachycardie, conversion ou cardioversion, peuvent apporter des éléments diagnostiques décisifs.
Première étape : l’activité atriale
- Une onde P sinusale masquée dans l’onde T peut se voir en cas tachycardie sinusale avec un intervalle PR long et des complexes QRS larges. Un ralentissement progressif de la fréquence sinusale, une ESV ou une manœuvre vagale peut la démasquer (voir diapo).
- Des ondes P atriales de tachycardie atriale focale [9] ou des ondes F de flutter atrial sont parfois discernables entre deux QRS, en cas de conduction variable ou après une ESV.
- Une onde P rétrograde (négative en DII) avec une conduction 1:1 peut parfois se voir en cas de tachycardie atrioventriculaire par réentrée mais aussi de TV. Une conduction rétrograde 2:1 ou davantage est en faveur d’une TV.
Deuxième étape : la morphologie des QRS
Il faut regarder si la tachycardie a un retard droit (QRS positif en V1) ou un retard gauche (QRS négatif en V1), puis :
- rechercher indices en faveur d’une TV à retard droit ou d’une TV à retard gauche. Citons trois critères simples : onde R initiale en VR, intervalle RS > 100 ms, toutes les ondes q ou r initiales sont ≥ 40 ms [5]. Une dissociation AV est rare mais très en faveur d’une TV. D’autres critères existent Cf. Indices de TV, Algorithmes TV, Score de TV) [4].
- rechercher des indices en faveur d’une TSV (Cf. QRS aberrants versus QRS ectopiques).
Principaux critères électrocardiographiques suggérant une TV plutôt qu’une TSV (Tableau 9 [1])
AV dissociation : Ventricular rate > atrial rate (Cf. Dissociation AV, Algorithme de Brugada, TV score) | |
Fusion/capture beats : Different QRS morphology from that of tachycardia | |
Chest lead negative : All precordial chest leads concordance negative | |
RS in precordial leads – Absence of RS in precordial leads – RS >100 ms in any lead(a) | |
QRS complex in aVR (Cf. Algorithme de Vereckei) | • Initial R wave • Initial R or Q wave > 40ms • Presence of a notch of a predominantly negative complex |
QRS axis -90 to ±180. Both in the presence of RBBB and LBBB morphology | |
R wave peak time R wave peak time ≥ 50 ms in lead II (Cf. Indice de Pava) | |
RBBB morphology (Cf. TV à retard droit) | Lead V1: Monophasic R, Rsr’, biphasic qR complex, broad R (>40 ms), and a double-peaked R wave with the left peak taller than the right (the so-called ‘rabbit ear’ sign)
Lead V6: R:S ratio <1 (rS, QS patterns) |
LBBB morphology Cf. TV à retard gauche) | Lead V1: Broad R wave, slurred or notched-down stroke of the S wave, and delayed nadir of S wave Lead V6: Q or QS wave |
- Si la tachycardie présente des QRS atypiques ou très larges, il faut envisager des étiologies rares comme une tachycardie antidromique, un flutter flécaïnide ou une TAF flécaïnide [9][14])
- En contexte clique évocateur il faut évoquer un infarctus ST+, une hyperkaliémie ou une intoxication avec effet stabilisant de membrane…)
- Un aspect d’ondulations très rapides des QRS est en faveur d’un flutter ventriculaire
- Un changement cyclique de l’axe des QRS est en faveur de torsades de pointes
- Un changement d’axe des QRS après chaque complexe est en faveur d’une tachycardie ventriculaire bidirectionnelle
- La présence de spikes doit orienter vers une tachycardie par réentrée électronique.
Troisième étape : trucs et astuces
En l’absence d’urgence vitale, la réalisation de manœuvres vagales puis, en cas d’échec, l’utilisation d’adénosine (si il n’y a pas de préexcitation ventriculaire connue) peuvent être indispensables pour comprendre ou stopper la tachycardie (ESC 2019 [1]). Le massage sino-carotidien est inefficace sur une TV à l’exception de quelques TV spécifiques.
En cas d’échec, l’amiodarone peut éventuellement être utilisée. L’utilisation d’un inhibiteur calcique n’est plus recommandée si le mécanisme de la TSV n’est pas connu en raison des effets secondaires parfois très sévères .
L’enregistrement des dérivations de Lian/Léwis ou par électrode œsophagienne à la recherche de l’activité atriale ou d’une dissociation atrioventriculaire peut être utile.
La comparaison des tracés per tachycardie avec des tracés antérieurs ou après réduction est aussi essentielle. En rythme supraventriculaire :
- si les complexes QRS larges sont similaires aux QRS larges per tachycardie, l’arythmie n’est probablement pas une TV. Cependant, les TV réentrantes de branche à branche et les TV septales hautes peuvent avoir des QRS similaires (voire plus fins) que ceux enregistrés en rythme sinusal.
- si les extrasystoles ventriculaires sont similaires aux QRS larges per tachycardie, l’arythmie est probablement une TV (ex. TV infundibulaire ou TV fasciculaire).
- s’il existe un bloc de branche controlatéral à l’aspect des QRS larges per tachycardie, l’arythmie est probablement une TV.
- si une préexcitation ventriculaire est connue, l’arythmie est probablement une TSV (Cf. Tachycardie antidromique).
Des algorithmes peuvent aider à distinguer les modifications et reconnaitre une TV [6][7]. L’aide par l’intelligence artificielle semble prometteuse [8].
Quatrième étape : ne pas s’acharner
En raison de la fréquence des situations cliniques complexes, des ECG trompeurs et de la performance imparfaite des cliniciens et des algorithmes, il faut éviter les traitements médicamenteux intempestifs supplémentaires et envisager, si l’hémodynamique le permet, de référer le patient tachycarde en centre spécialisé, sans pratiquer une cardioversion électrique qui empêcherait le diagnostic ultérieur d’un premier épisode. Certaines méthodes diagnostiques ne sont possibles qu’en laboratoire d’électrophysiologie : ECG endocavitaire, manœuvres de stimulation (CF. Pacing qui peut reproduire l’aberration ou déclencher la tachycardie) ou cartographie des séquences d’activation [2].
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Voir vidéos P. Taboulet
- Cas clinique (TV A, B, A et B ou ni A ni B)
- Aberration ventriculaire (bloc intraventriculaire intermittent)
- De l’ESV droite à la TV
- De l’ESV gauche à la tachycardie ventriculaire
Blog de SW Smith :
- Very Fast Very Wide Complex Tachycardia : l’adénosine est précieuse :
- A vous de jouer TSV ou TV ? mars 2024