Cocaïne

Drogue sympathomimétique qui stimule le SNC et le muscle cardiaque (inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine). Elle possède également un effet stabilisant de membrane. Les conséquences sont différentes en consommation chronique ou aiguë et selon le terrain cardiovasculaire [1][1bis]. L’usage peut être fatal.

Consommation chronique

En consommation chronique, près de la moitié des tracés ECG sont pathologiques avec, de façon décroissante [2] :

  • amplitude augmentée des complexes QRS,
  • sus-décalage chronique du segment ST,
  • anomalies non spécifiques du segment ST-T,
  • parfois séquelles de nécrose

Le risque de fibrillation atriale augmente [15]. Le risque d’infarctus augmente, même chez un sujet jeune sans autre facteur de risque [3] en particulier dans l’heure qui suit l’usage [14]. Dysfonction ventriculaire gauche, cardiomyopathie dilatée et myocardite sont possibles [4].

La cocaïne peut parfois révéler un ECG de type Brugada par inhibition du canal sodique rapide (cf. Effet stabilisant de membrane)

Consommation aiguë

La stimulation α- et β-adrénergique est responsable d’une augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, d’une demande accrue en oxygène et responsable parfois d’ischémie myocardique, d’un vasospasme coronaire voire d’un infarctus du myocarde et/ou d’une arythmie ventriculaire.

Le diagnostic d’infarctus peut être extrêmement difficile sur l’ECG initial, soit parce que les signes d’ischémie myocardique sont absents ou masqués par une tachycardie ou des QRS larges, soit parce qu’une phénocopie Brugada mime un ST+ (voir ci-dessous). Rappelons que l’effet stabilisant de membrane est sensible aux bicarbonates semi-molaire ou molaire, en particulier en cas d’acidose métabolique [16][17]. L’ECG doit être répété et/ou couplé à de la biologie (troponine) au moindre doute. Le risque d’infarctus est difficile à évaluer et nécessite une connaissance des pièges, de la surveillance et du traitement (voir ci-dessous).

Blog de S Smith

 

Conduite à tenir devant une suspicion d’infarctus (ESC 2008)  [5]

Le risque d’infarctus avec ou sans sus-décalage de ST augmente dans l’heure qui suit une prise de cocaïne [14]. Il faut toujours rechercher une insuffisance coronaire en cas de douleur thoracique atypique même chez un jeune cocaïnomane, et a fortiori si d’autres facteurs de risque sont présents et réaliser un ECG [5]

  • La clinique est souvent atypique (homme plutôt jeune, milieu urbain, polyintoxication, tabagisme associé, douleur atypique une heure après la prise ou davantage, poussée d’HTA, pseudo AVC, pseudo dissection aortique, fièvre…) [6]
  • L’ECG est le plus souvent anormal, mais non spécifique (tachycardie sinusale, aplatissement des ondes T, repolarisation précoce) ou bien il peut afficher des signes classiques évocateurs d’ischémie aiguë (sus- ou sous-décalage de ST > 1 mm) qui doivent conduire à une prise en charge conforme aux recommandations en cas d’infarctus.
  • Les patients dont la douleur persiste de façon évocatrice malgré un ECG normal/douteux sont généralement explorés par une angiographie coronaire urgente à la recherche d’une occlusion coronaire aiguë ou un vasospasme [7]
  • Les patients dont la douleur est atypique ou récurrente, avec un ECG non diagnostic, peuvent être pris en charge dans une unité de surveillance pour une période d’observation de 9-12 h avec traitement médical (aspirine, BZD et dérivés nitrés), dosage/trois heures de la troponine I, et surveillance rapprochée des tracés à la recherche d’arythmie ventriculaire ou modifications ECG. Cette stratégie est valide pour écarter les patients à risque et réduire le nombre d’angiographie normale [8]. Une épreuve d’effort à distance peut être envisagée dans les cas qui restent douteux (troponine négative).

Traitement initial d’un syndrome coronarien aigu

Recommandations ESC 2008 [9]

  • En première intention, dérivés nitrés et benzodiazépines (classe I) [10]. Ces médicaments diminuent la tension artérielle, la tachycardie, le vasospasme et l’anxiété. L’oxygène peut être utile.
  • En seconde intention, si l’efficacité est insuffisante sur le contrôle des signes adrénergiques, un inhibiteur calcique (vérapamil ou diltiazem) ou un alpha-bloquant (phentolamine : 1 mg/5 min IV, 1-10 mg/h en PSE) sont éventuellement envisageables (classe IIb).
  • En cas de suspicion d’infarctus, aspirine et HBPM sont indiqués en routine.
    L’angiographie diagnostique est recommandée en urgence en cas de persistance de la douleur que l’ECG soit typique, douteux (repolarisation précoce) ou normal).
  • Les bétabloquants sont classiquement contre-indiqués car ils peuvent majorer le vasospasme et l’hypertension systémique (ESC 2008 et AHA 2004 [11]). Néanmoins, l’aspect iatrogène des bétabloquants est controversé dans l’analyse complète de la littérature en 2019 [12]
  • Le traitement des arythmies ventriculaires dépend de l’intervalle entre la consommation de cocaïne, l’apparition d’une arythmie et le traitement.

Les arythmies ventriculaires survenant immédiatement après la consommation de cocaïne résultent de l’effet stabilisant de membrane (inhibiteur du canal sodique) sur le myocarde. Ces arythmies peuvent répondre à l’administration de bicarbonate de sodium molaire (cf. YouTube, l’ECG toxique).

Les arythmies ventriculaires qui surviennent plusieurs heures après la dernière utilisation de cocaïne sont généralement secondaires à une ischémie, dont la prise en charge devrait être le premier objectif du traitement. La gestion standard des arythmies ventriculaires, y compris la lidocaïne, est raisonnable pour les arythmies ventriculaires persistantes ou récurrentes.

La cocaïne possède un effet stabilisant de membrane caractérisée par un élargissement des complexes QRS avec apparition d’une onde R > 3 mm en VR lié au blocage des canaux sodiques et un allongement de l’intervalle QTc lié au blocage du courant potassique tardif (ce qui allonge la durée du potentiel d’action).[13] Une phénocopie de Brugada est possible. Cette action est variable selon les troubles hydro-électriques, la fièvre ou l’hypoxie associée. L’induction de post-dépolarisations précoces est responsable des arythmies ventriculaires observées et parfois fatales.

 

Références (abonnés)


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