Les digitaliques (digoxine, digitaline) sont des substances extraites d’une plante (la digitale) utilisée pour ralentir la réponse ventriculaire d’une fibrillation atriale. Ils inhibent une enzyme membranaire des cellules contractiles (la pompe Na+/K+ ATPase dépendante) et stimulent le centre bulbaire du pneumogastrique (vagomimétiques). Ils sont faiblement tonicardiaques (inotrope positif), ralentissent la conduction dans le nœud AV (dromotrope négatif) et dépriment l’automatisme atrial (bathmotrope négatif).
A dose thérapeutique, dans les jours ou les semaines qui suivent le début du traitement, les digitaliques modifient de façon relativement typique l’ECG (signes d’imprégnation et non pas signes d’intoxication).
- En rythme sinusal, la fréquence sinusale ralentit, l’intervalle PR s’allonge et apparait une modification assez typique de la repolarisation : raccourcissement et sous-décalage du segment ST en cupule (Cf. Cupule digitalique). Une onde U un peu ample peut apparaitre en précordiales (surtout V3-V4). L’imprégnation des cellules atriales automatiques peut favoriser une dysfonction sinusale.
- En fibrillation atriale, la réponse ventriculaire est ralentie du fait du ralentissement de la conduction dans le nœud AV. La cupule digitalique et l’onde U peuvent être masquées par la surimposition de la fibrillation.
A dose toxique, les signes précédents sont majorés et des anomalies du rythme apparaissent (cf. digitalique toxicité).
Fait notable, les digitaliques ne modifient pas la conduction intraventriculaire (car ils n’ont pas de récepteurs dans les ventricules). Il n’y a donc jamais induction de bloc de branche ou bloc infra-nodal (type Mobitz 2) due aux digitaliques.
Indications
A – Fibrillation atriale ou flutter atrial (ESC 2021 [1])
Pour le contrôle rapide de la fréquence cardiaque, par voie IV (0,5 mg en bolus puis 0,25 à 0,5 mg IVD répété toutes les 4 heures jusqu’au maximum 1,5 mg en 24 heures) :
- en monothérapie (Classe IA), en particulier en cas de décompensation cardiaque aiguë. En effet, si le traitement ralentisseur de première intention en cas d’insuffisance cardiaque est un bêtabloquant (FEVG basse ou préservée) ou éventuellement un inhibiteur calcique (FEVG préservée) (Classe IA), ce traitement doit être retardé en cas de décompensation cardiaque aiguë [1][2]. La digoxine IV a une place prioritaire dans cette indication à la phase aiguë d’un épisode d’insuffisance cardiaque (Classe I) [1].
- en association avec un bétabloquant ß1 sélectif PO en cas de FEVG < 40% [1][3].
- en combinaison avec d’autres agents ralentisseurs (si ceux-ci sont insuffisants pour atteindre la fréquence cardiaque cible) (Classe IIa). Par exemple bétabloquant à petite dose et/ou amiodarone, en cas d’insuffisance cardiaque aiguë ou hypotension artérielle ou si FEVG basse.
Posologie (souvent sous dosée en France versus les dosage et emploi dans les diapos ci-dessous selon reco. ESC)
Pour le contrôle de la fréquence cardiaque de repos, par voie orale (ESC 2016 [2])
- en monothérapie en cas d’insuffisance cardiaque, dysfonction ventriculaire gauche ou pour les patients sédentaires, en l’absence de préexcitation (0,5 mg/j, soit 2 cps/j, pendant 2 jours, puis 0,0625–0,25 mg/j).
- une combinaison de bétabloquant ou inhibiteur calcique non dihydropyridine avec la digoxine est raisonnable quand la fréquence cardiaque de repos ou d’effort n’est pas suffisamment contrôlée : (Classe IIa).
- l’association de la digoxine (0,25 mg) à un bétabloquant (ex. non sélectif type aténolol si FEVG préservée ou vasodilatateur type carvédilol en cas de FEVG ≤ 40%) est recommandée en cas d’inadéquation de la réponse à un bétabloquant (ESC 2012, Classe IB) [4].
- emploi envisageable durant un SCA ou pendant la grossesse (Classe IIb) [1][2].
- emploi contrindiqué en cas de préexcitation (Classe III) [1].
Une étude randomisée publiée en 2020 ne constate pas de différence sur la qualité de vie à 6 mois selon que l’on prenne (pour contrôler la fréquence) de la digoxine (n = 80; dose range, 62.5-250 μg/d; mean dose, 161 μg/d) ou du bisoprolol (n = 80; dose range, 1.25-15 mg/d; mean dose, 3.2 mg/d) [5].
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B – Rythme sinusal et insuffisance cardiaque
La digoxine n’est pas le traitement de première intention de l’insuffisance cardiaque en rythme sinusal. Elle améliore les symptômes de l’insuffisance cardiaque et réduit le nombre d’hospitalisation, mais son effet sur la mortalité est neutre voire délétère (ESC 2016 [2]).
Elle est indiquée uniquement (Classe IIb) :
- en recours chez des patients qui restent symptomatiques après traitement par les médicaments ayant démontré un effet bénéfique sur la mortalité (ACE inhibitor or angiotensin receptor blocker, beta-blocker, and a mineralocorticoid-receptor antagonist) [4].
- en cas de SCA ou pendant la grossesse, leur emploi peut être envisagé
La concentration thérapeutique doit être < 1,2 ng/ml chez l’insuffisant cardiaque. For patient safety, target serum concentrations should be 0.5–0.9 ng/mL for digoxin and 8–18 ng/mL for digitoxin, which is in the lower part of the so called ‘therapeutic’ range. Furthermore, target serum concentrations should be controlled, especially for digoxin in chronic kidney disease due to its predominant renal excretion, whereas excretion of digitoxin is still sufficient even in advanced chronic kidney disease due to its pronounced entero-hepatic recycling. [4]
Vidal. Digoxine® : 1 amp = 0,5 mg ; 1 cp = 0,25 mg
- Clcr < 30 ml/mn : 0,125 mg un jour sur deux
Clcr 30-80 ml/mn : 0,125 mg chaque jour
Clcr > 80 ml/mn : 0,125 mg un jour ; 0,25 mg le lendemain
* digoxine IV : dose visée à J1 : 0,015-0,020 mg/kg - Contrindication (voir Vidal)
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