La conversion spontanée d’une FA en rythme sinusal ou par cardioversion électrique ou pharmacologique (défibrillation) facilite la reprise progressive des contractions atriales, améliore l’hémodynamique intracardiaque et réduit le risque de remodelage atrial (Cf. Cardiomyopathie atriale). Mais le retour en rythme sinusal expose – dans les 3 à 30 jours suivants – à un risque faible de migration depuis l’auricule gauche d’un éventuel embole atrial dans la circulation systémique et en particulier vers le cerveau [1]. La majorité des premiers épisodes de FA se terminent en moins de 48 heures par une conversion spontanée en rythme sinusal, aussi faut-il calculer le risque thromboembolique de tout malade chez qui on découvre une FA, et si on doit envisager une cardioversion, celle ci doit être réaliser de préférence dans les 48 heures qui suivent le début de l’accès [2].
La cardioversion peut être (ESC 2020) [2]
- Cardioversion précoce : si le début de la FA est clairement inférieur à 48e heure. Le candidat idéal est à faible risque thrombo-embolique et iatrogène. Elle doit être précédée, sauf urgence vitale, par une anticoagulation (ACG) [1][2]. Si le patient n’a aucun facteur de risque thrombo-embolique et FA ≤ 24 h, aucune ACG ultérieure n’est nécessaire (ESC 2020) [2].
- Cardioversion élective : si le début de la FA n’est pas connu, la cardioversion doit être précédée par au moins trois semaines d’ACG orale efficace (AVK ou AOD) ou administration d’HBPM ou héparine à dose efficace (Classe I) ou moins longtemps chez un patient déjà anticoagulé au long cours ou si une ETO a éliminé la présence d’un caillot dans l’OG [2].
- Cardioversion urgente pour restaurer l’hémodynamique. Il s’agit de situations hémodynamiques précaires mais exceptionnelles avec hypotension artérielle, bas débit périphérique, douleur thoracique dans un contexte de SCA ou FA avec préexcitation et conduction rapide (150-300/min).
Vidéo YouTube. P. Taboulet. Fibrillation atriale ralentir ou cardioverser ? ESC 2020. Toute la stratégie ESC 2020 expliquée en vidéo.
La cardioversion électrique
- En cas d’instabilité hémodynamique, une cardioversion/défibrillation électrique doit être entreprise (Classe I) [2].
- Les mesures pharmacologiques qui visent à améliorer l’hémodynamique et l’oxygénation du patient doivent être entreprises avant la cardioversion. Ces mesures comprennent la correction de la volémie, d’une hypoxémie ou d’un autre facteur favorisant une fréquence cardiaque rapide (sepsis sévère ou choc septique, hémorragie…). Si ces mesures sont insuffisantes il faut entreprendre sans délai une cardioversion électrique après sédation (aide d’un anesthésiste ou d’un réanimateur si possible).
- La cardioversion électrique est la méthode la plus efficace pour rétablir le rythme sinusal et les complications sont rares.
- La position antéro-latéral des électrodes seraient meilleure que la position antéro-postérieure [3]
La cardioversion pharmacologique
- Si l’hémodynamique est stable, une cardioversion pharmacologique peut être entreprise après évaluation des risques thromboembolique et des risques liés à l’emploi d’un antiarythmique (maladie rythmique de l’oreillette en cas de dysfonction sinusale préalable, torsade de pointes en cas d’intervalle QT long, arythmie ventriculaire en cas de coronaropathie, flutter flécaïnique).
- Elle repose sur les antiarythmiques de classe IC (flécaïnide, propafénone) ou le vernakalan (non disponible en France) (Classe IA).
- L’amiodarone IV ou PO est réservée aux patients présentant une insuffisance cardiaque ou une cardiopathie structurelle (Classe IA).
- D’autres médicaments existent, mais ne sont pas disponibles en France (procaïnamide, ibutilide et vernakalant).
- La cardioversion pharmacologique a un taux de succès moindre que la cardioversion électrique, mais elle ne nécessite pas d’anesthésie ou de sédation de courte durée.
Indications de la cardioversion en médecine d’urgence
- La cardioversion a pour objectif principal d’améliorer la fonction cardiaque. Cependant, elle peut être indispensable pour restaurer rapidement une hémodynamique instable (FA mal tolérée avec SCA, ICC, choc cardiogénique ou super Wolff du syndrome de WPW*).
- Le plus souvent, une cardioversion précoce doit être envisager pour orienter la stratégie ultérieure de prise en charge d’une FA bien tolérée, récente ≤ 48 h vers un contrôle du rythme [2] pour éviter une cardioversion retardée (CEE élective à distance) ou parce que le patient est déjà traité par ACG au long cours. Elle peut être :
- immédiate (dans les heures) = idéal si chadsvacs 0 (H) ou 1 (F) et FA ≤ 24 h (car évite ACG ultérieure)
- retardée (attente < 48 h) : idéal si chadsvasc max. 1 (H) ou max. 2 (F) et premier(s) épisode(s) ou facteur déclenchant corrigible, car presque 2/3 des FA récentes se convertissent spontanément en rythme sinusal, ce qui explique l’intérêt de retarder la décision de cardioversion de 24 h environ (sans atteindre 48 h).
La majorité des premiers épisodes de FA se terminent en moins de 48 heures par une conversion spontanée en rythme sinusal [2].
La véritable efficacité d’une cardioversion pharmacologique chez les patients hémodynamiquement stables est biaisée par le pourcentage élevé de restauration spontanée du rythme sinusal dans les 48 h chez 76 à 83% des patients avec une FA d’apparition récente (10 à 18% dans les 3 premières h, 55 à 66% dans les 24 h et 69% dans les 48 h).
Par conséquent, une stratégie d’attente et de surveillance (généralement pendant < 24 h) peut être envisagée chez les patients atteints de FA d’apparition récente comme une alternative non inférieure à la cardioversion précoce [2].
Anticoagulation péri-cardioversion. La plupart des patients qui présentent une FA d’une durée clairement inférieure à 48 heures peuvent être cardioversés après une brève anticoagulation préalable. L’anticoagulation sera poursuivie quatre semaines, puis au-delà en fonction du risque thromboembolique. Les patients à très faible risque et épisode de FA brève < 24-48 h non pas besoin d’anticoagulation prolongée au décours (ESC 2020].
- Un protocole de cardioversion d’une FA doit être disponible dans chaque structure de médecine d’urgence (SFMU/SFC, classe I) [1].
- Une cardioversion électrique immédiate est recommandée, en cas de FA associée à une ischémie myocardique aiguë, une hypotension symptomatique, une angine de poitrine ou une défaillance cardiaque, lorsque les mesures pharmacologiques ne permettent pas de corriger promptement une fréquence cardiaque rapide (ESC, classe I).
- Une cardioversion électrique est contre-indiquée en cas de FA secondaire à une intoxication digitalique ou à une hypokaliémie (ESC, classe III).
Cardioversion précoce dans une stratégie de contrôle du rythme
Les indications de cardioversion précoce, en dehors de l’urgence vitale, sont soit une FA ou flutter de moins de 48 heures dont la cadence ventriculaire reste rapide et symptomatique malgré les mesures pharmacologiques initiales, soit un premier accès (ou première récidive) de FA qui persiste chez un patient stable dans le but d’orienter la stratégie ultérieure vers un contrôle du rythme.
En cas de FA de durée inférieure à 48 heures :
- Une cardioversion électrique ou pharmacologique doit être envisagée, pour orienter la stratégie ultérieure ambulatoire vers un contrôle du rythme (ESC, classe IIa).
- Le traitement des facteurs favorisants ou des causes réversibles (hypoxie, hypovolémie, HTA, troubles ioniques, anémie, etc.) est recommandé avant d’initier un médicament antiarythmique (AHA, classe I).
- Une cardioversion pharmacologique peut être réalisée si le patient est stable et sans maladie cardiaque sévère (ESC, classe IIa).
- L’amiodarone IV est recommandé en présence d’une cardiopathie structurelle (ESC, classe I).
- Le flécaïnide IV est recommandé en l’absence de – ou si minime – cardiopathie structurelle (ESC, classe I)
- La digoxine ou le sotalol peuvent être dangereux et ne doivent pas être utilisés pour une cardioversion (ESC, classe III).
- Après la cardioversion, une surveillance du rythme pendant au moins trois heures est recommandée (SFMU/SFC, classe I).
- En cas de FA de durée supérieure à 48 heures ou avec un début indéterminé, la cardioversion ne doit pas être entreprise en l’absence d’urgence cardio-circulatoire, en raison du risque thromboembolique. Une cardioversion différée peut néanmoins être effectuée après au moins trois semaines d’anticoagulation efficace (ESC, classe I) ou après avoir éliminé l’hypothèse d’un thrombus intracardiaque par échocardiographie transœsophagienne (ETO).
- Une cardioversion ne doit pas être envisagée en cas de FA de durée supérieure à 48 heures ou de début indéterminé (sauf hémodynamique instable), chez un patient sans anticoagulation efficace depuis au moins trois semaines (SFMU/SFC, classe III).
Cas particuliers
- Insuffisance cardiaque
Une cardioversion électrique est recommandée sans délai si les mesures pharmacologiques ne permettent pas une amélioration rapide des patients en cas d’ischémie myocardique aiguë réfractaire, d’hypotension symptomatique ou de symptômes d’œdème pulmonaire (ESC, classe I). - L’amiodarone est une option raisonnable pour effectuer une cardioversion pharmacologique ou pour faciliter une cardioversion électrique (ESC, classe IIa).
- L’amiodarone est le seul antiarythmique qui peut être utilisé pour maintenir un rythme sinusal en cas de défaillance cardiaque sévère (NYHA classe III ou IV) ou récente (< 4 semaines) (ESC, classe I).
Syndrome coronaire aigu (SCA)
- Une cardioversion électrique est recommandée en cas d’hémodynamique sévèrement compromise, d’ischémie coronaire aiguë ou lorsqu’un contrôle adéquat de la fréquence cardiaque ne peut être obtenu avec les agents pharmacologiques (ESC, classe I).
- Les antiarythmiques de classe I sont contre-indiqués (ESC, classe III).
Syndrome de préexcitation
- Une cardioversion électrique immédiate est recommandée en cas de FA avec réponse ventriculaire rapide ou d’instabilité hémodynamique (ESC 2020, classe I) .
- Le flécaïnide est le médicament de choix en cas de FA avec préexcitation ventriculaire (ESC 2020, classe I).
- L’amiodarone n’est pas recommandée (ESC 2020, classe III).
- Les bêtabloquants, l’adénosine, les inhibiteurs calciques non DHP et la digoxine sont contre-indiqués (ESC 2020, classe III).
Autres situations
D’autres recommandations existent pour le contrôle du rythme au long cours chez l’athlète, durant la grossesse, en post opératoire et en cas d’hyperthyroïdie.
Recommandations détaillées, posologie ESC et bibliographie (abonnés)