Infarctus du septum, de la pointe et/ou de la paroi latérale du ventricule gauche. Il est en rapport avec une occlusion du tronc commun de l’artère coronaire gauche, de ses branches (interventriculaire antérieure et artère circonflexe), leurs divisions (septales, dont la première vascularise le faisceau de His et diagonales pour l’une, marginales pour l’autre) ou leurs terminaisons respectives (artère interventriculaire postérieure et tronc rétroventriculaire gauche) [1] .
C’est l’infarctus le plus grave par la morbidité et la mortalité qu’il entraine. Son expression électrique et sa sévérité dépendent de l’artère occluse, du caractère proximal ou distal de l’occlusion et du réseau collatéral (cf. Territoire électrique). Les dérivations impliquées sont les dérivations septales (V1-V2), apicales (V3-V4) et/ou latérales (V5-V6 et/ou DI-VL).
L’expression électrique d’un infarctus ST+ isolé au territoire antérieur et non compliqué est généralement facile à identifier. Mais il faut aussi apprendre les formes équivalentes du ST+, souvent subtiles, celles qui sont rapidement compliquées par un bloc de branche, un bloc atrioventriculaire infranodal ou une arythmie ventriculaire sévère, comme une TV voire une FV.
L’infarctus ST+
En phase aiguë, le diagnostic est généralement facile en cas d’infarctus ST+ [5].
- Un sus-décalage de ST anormal est ≥ 0,15, 0,20 ou 0,25 mV en V2-V3 chez la femme, chez l’homme après 40 ans ou chez l’homme avant 40 ans respectivement ou ≥ 0,1 mV dans au moins deux autres dérivations antérieures [5]. L’aspect convexe du segment ST, les ondes T amples à base large ou une onde de Pardee aident à reconnaitre l’étiologie ischémique des autres étiologies. L’amplitude du sus-décalage de ST, le nombre de dérivations concernées et l’existence d’un miroir aggravent le pronostic.
- Un sous-décalage de ST en miroir est souvent visible en territoire inférieur (DIII-VF) en cas d’infarctus antéro-supérieur (latéral haut). Ce miroir manque dans environ 30% des cas, lorsque l’infarctus est plutôt apical (car le miroir est dans l’aisselle ou l’épaule droite !).
- Des complexes QRS modifiés par l’ischémie comme des QRS élargis (≥ 110 ms), des QRS fragmentés, une distorsion terminale du QRS ou des ondes Q profondes dès l’admission sont des éléments diagnostics et de mauvais pronostics [6][7][9]. Au cours de l’évolution d’un infarctus septal et/ou apical, les ondes R sont rapidement rabotées et disparaissent pour donner lieu à une onde Q ou une onde QS. À l’inverse, au cours de l’évolution d’un infarctus latéral, l’onde RV1-V2 devient ample et dépasse S (R > S), en miroir de l’onde Q observée en V5-V6 et parfois DI-VL (cf. Séquelle de nécrose).
Astuces et pièges
- L’aspect ST+ manque en cas d’occlusions coronaires vues précocement ou incomplètes (cf. ondes T amples, élévation subtile de ST, Syndrome de Wellens, pattern de de Winter)
- L’occlusion distale d’une IVA enveloppant la pointe (« wrapped left anterior descending artery distal » ou « wrap-around artery« )) associe un ST+ en région apicale et un ST+ en dérivations inférieures [3][4][11] (voir ci-dessous). L’existence de complexes QRS modifiés par l’ischémie et un tracé rapidement dynamique peut aider à les distinguer, en complément des autres examens complémentaires habituels. Pour mémoire, une artère coronaire droite dominante et enveloppant la pointe peut donner un aspect similaire.
- De nombreuses occlusions ou subocclusions du réseau coronaire gauche se présentent avec un sous-décalage diffus de ST. Ces formes ECG appelées « équivalents ST+ » sont fréquentes et doivent être parfaitement connues. Par exemple, l’occlusion/subocclusion proximale de l’IVA (ou celle du tronc commun de la gauche) peut se révéler par un sous-décalage diffus de ST avec ST+ en VR (V1) et souvent aussi VL (cf. Infarctus avec équivalent ST+).
- L’occlusion totale du tronc commun de la gauche peut se manifester par une forme clinique extrêmement sévère (état de choc, arythmie ventriculaire, arrêt cardiaque) avec sur l’ECG, un ST+ diffus avec ST- en VR. Des troubles conductifs sévères sont possibles (bloc AV infranodal), précédés par un bloc bifasciculaire ou un bloc de branche gauche [3][8]. Un sus-décalage de ST en « aileron de requin » ou une alternance électrique de l’onde T sont de très mauvais pronostics (fibrillation ventriculaire, état de choc, mort subite).
- L’occlusion d’une branche artérielle de l’IVA destinée au ventricule droit (paroi antérieure) peut donner un aspect trompeur d’infarctus ST+ antérieur (avec parfois un ST+ décroissant de V1 à V5). L’enregistrement des dérivations V4R et V3R peut aider à reconnaitre ce diagnostic et à expliquer une chute tensionnelle ou l’apparition de signes droits (cf. Infarctus du ventricule droit).
- Les occlusions suivies de reperfusion spontanée, après angioplastie (cf. Reperfusion coronaire, RIVA) ou vues tardivement (cf. Infarctus aigu tardif) sont caractérisées par des ondes T inversées dans le territoire infarci.
- De nombreux infarctus ne sont pas dus à une pathologie coronaire aiguë, mais à un déséquilibre entre les besoins et les apports en oxygène. On parle en 2018 d’infarctus de type II (cf. Infarctus sans sus-décalage de ST) [5]. On parlait avant d' »infarctus sous-endocardique » ou « rudimentaire », mais ces termes ne sont plus d’usage.
Les diagnostics différentiels sont nombreux, en particulier la péricardite aiguë, takotsubo, hypertrophie VG, anévrisme ventriculaire et surtout les variantes de la repolarisation ST+ (cf. Sus-décalage de ST : étiologies non ischémiques).
Anomalies du rythme
Les anomalies du rythme sont fréquentes, précoces et parfois fatales (cf. Infarctus et arythmie, SCA Troubles du rythme) [10].
- Une tachycardie sinusale est fréquente, de mauvais pronostic et gêne parfois l’interprétation [8].
- Une fibrillation atriale apparaît au cours de l’évolution à 30 jours dans 4-10% des cas et aggrave le pronostic (cf. Infarctus et FA).
- Un bloc fasciculaire antérieur, un bloc de branche droit ou un bloc bifasciculaire sont possibles et de mauvais pronostic (cf. Infarctus et QRS larges). Un nouveau bloc de branche droit avec une onde Q en V1V2(V3) ou un miroir ST- en territoire inférieur est en faveur d’une occlusion du tronc commun ou de l’IVA proximale [2]. Ce miroir en territoire inférieur est absent en cas d’occlusion de l’IVA moyenne.
- Un bloc de branche gauche de novo signifie une double lésion à la fois d’une branche septale de l’IVA et d’une branche nodale ou postérieure de la coronaire droite, en raison de la double vascularisation naturelle de la branche gauche (cf. Infarctus et BBG). Ce bloc de branche est de mauvais pronostic car témoigne d’un infartus étendu et il augure parfois la survenue – souvent brutale – d’un bloc AV infranodal, insensible à l’atropine (cf. Infarctus et Bloc AV).
- Une arythmie ventriculaire sévère est possible (signes de mauvais augure : segment ST en onde de Pardee ou en aileron de requin, ESV nombreuses et à couplage court, une alternance électrique de l’onde T…) [10].
- Un RIVA, un pacemaker ou un BBG préexistant peuvent masquer les signes d’infarctus.
- Vidéo YouTube (10 min) : Cas clinique. Infarctus antérieur et complications. P. Taboulet
Livres et cas cliniques formateurs
- P. Taboulet. 100 ECG autour de l’infarctus (Ed S-edition, oct 2020)
- P; Taboulet. l’ECG de A a Z (Ed Vigot Maloine, 2e ed 2025)
- Steve Smith : The ECG in Acute MI: An Evidence-Based Manual of Reperfusion Therapy (pdf téléchargeable)
- Huge number of excellent ECG websites out there
- Life in the fast lane
- Steve Smith’s blog (A man in his 30s with chest pain
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Ex : Repolarisation à reconnaître
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