Infarctus 4. Inférieur

Infarctus de la paroi inférieure du ventricule gauche. C’est l’infarctus par occlusion coronaire aiguë le plus fréquent. Il est généralement en rapport avec l’occlusion de l’artère coronaire droite ou de ses branches, plus rarement de l’artère circonflexe (exceptionnellement de l’interventriculaire antérieure).

Son expression électrique et la sévérité clinique dépendent de l’artère coronaire occluse, du caractère proximal ou distal de l’occlusion et du réseau collatéral (cf. Territoires coronaires) [1]. L’expression électrique d’un infarctus ST+ isolé au territoire inférieur et non compliqué est facile à identifier. Mais il faut surtout apprendre les formes équivalentes du ST+, souvent subtiles et prises en charge avec retard diagnostique, étendues à d’autres territoires ou compliquées de troubles du rythme, comme la fibrillation atriale, le bloc sinoatrial ou atrioventriculaire, les RIVA et les TV.

Infarctus ST+ inférieur

En phase aiguë d’occlusion coronaire aiguë [1].

  • Nouveau sus-décalage de ST (ST+) au niveau du point J ≥ 1 mm (0,1 mV) dans au moins deux dérivations contiguës du territoire inférieur (D3-VF-D2). Il s’accompagne généralement d’ondes T amples à base larges, puis diphasiques (+/-). L’aspect du ST+ est évolutif durant les heures suivantes.
  • Des complexes QRS modifiés par l’ischémie apparaissent rapidement : les ondes R sont rapidement rabotées, les QRS bas-voltés/fragmentés/élargis et des ondes Q de nécrose apparaissent dans le même territoire (cf. Complexes QRS modifiés par l’ischémie).
  • Un sous-décalage de ST et des ondes T inversées en miroir sont quasi constants en latéral haut (VL-DI) si le ST+ prédomine en D3 car ces dérivations sont presque diamétralement opposées à D3 [1].

L’infarctus ST+ subtil

  • Un ST+ < 1 mm (subtil) est fréquent dans la seule dérivation D3(dérivation droite à + 120°) et ne doit pas faire écarter le diagnostic d’occlusion aiguë de la coronaire droite, au contraire (cf. Syndrome d’Aslanger [4][6]). En effet, D3 (dérivation inféro-droite) explore mieux la coronaire droite que VF (dérivation inférieure) et surtout DII (dérivation inféro-gauche). Cet aspect doit être considéré en situation clinique compatible comme un équivalent ST+ c’est-à-dire un infarctus par occlusion coronaire (occlusion myocardial infarction ou OMI) [2][8], ce d’autant qu’il existe des complexes QRS modifiés par l’ischémie (QRS rabotés/microvoltés/fragmentés, ondes Q) ou un miroir ST- en VL (cf. SCA équivalent ST+).
  • Un ST+ < 1 mm est fréquent dans la seule dérivation D3 en cas de microvoltage des QRS lié à l’ischémie (cf. ST+ subtile). L’existence de complexes QRS modifiés par l’ischémie, d’une onde T ample dans le même territoire ou d’un miroir ST- en VL (et aussi ST-  parfois en V2-V3) aident à la reconnaissance des formes douteuses (voir Blog S. Smith).

Rappelons que le sus-décalage de ST peut manquer en VF car VF = 1/2 (DIII + DII) et que donc le ST en VF dépend donc du ST en DII. Il peut manquer notamment cas de syndrome d’Aslanger [4] qui comporte une occlusion multivaisceaux du VG concomitante d’une occlusion de la CD ou de la circonflexe avec ST- diffus qui s’oppose au ST+ en VF (le ST+ se voit alors mieux en -VL et -DI mais aussi VR et V1).

  • Le ST+ peut complètement manquer au début d’ischémie, remplacé par une onde T ample à base large avec onde T inversée en miroir en VL(DI). Voir ci-dessous le ST+ subtil en D3 (QRS microvoltés) avec le miroir en VL (Syndrome d’Aslanger) parfaitement classé comme équivalent STEMI par QoH de PmCardio, juste avant la survenue d’une FV.

  • Le ST+ peut être subtil en phase de résolution de l’ischémie ou en phase tardive de l’infarctus : les QRS sont anormaux, peu voltés, avec des ondes Q, un ST+ à peine discernable qui se termine par des ondes T négatives et il existe un miroir. Cette présentation est souvent mal interprétée alors qu’elle doit  donner l’alarme et conduire au monitorage de la troponine… (cf. Infarctus tardif).
  • Une revascularisation précoce de l’artère coronaire occluse peut normaliser l’ECG ou laisser la trace parfois à vie d’une séquelle de nécrose (voir ci-dessous).

Anomalies du rythme

  • Une bradycardie sinusale est fréquente par hypertonie vagale liée à l’ischémie du plancher de l’oreillette droite. Une syncope est possible, tout en activant le BJR (Bezold-Jarisch Reflex) — qui, en réponse à l’activation sympathique (et/ou en association avec la reperfusion coronarienne) — peut activer des mécanorécepteurs qui sont principalement situés dans la paroi infero-postero du VG, produisant un puissant effet parasympathique qui peut conduire à une bradycardie réflexe, vasodilatation périphérique et hypotension.
  • Toute anomalie de durée, forme ou amplitude de l’onde P, tout décalage anormal du segment PR en DII-DIII, un allongement de l’intervalle P-R ou l’apparition d’une arythmie atriale doivent faire suspecter un infarctus atrial au cours d’un infarctus inférieur. L’ischémie atriale augmente le risque de survenue d’une fibrillation atriale, un bloc AV, un AVC…. et de complications mécaniques (rupture de la paroi libre du VG) [7] (cf. Infarctus atrial).
  • Un bloc AV nodal (QRS fins) est fréquent, parfois complet, souvent sensible à l’atropine (cf. Infarctus et bloc AV).

  • L’apparition d’un bloc de branche est exceptionnelle au cours d’un infarctus inférieur (car le septum est épargné). Un BBD ne masque pas le sus-décalage de ST, même minime (cf. Infarctus et BBD)

Voir : SCA Troubles du rythme, Infarctus en territoire inférieur et troubles du rythme, et Infarctus et arythmie ventriculaire

 

Extension aux autres territoires

Une extension aux territoires ventriculaires droit et basal devra être recherchée par l’analyse des dérivations V1-V3 et VR et éventuellement l’enregistrement des dérivations spécifiques (V7-V9 et V3R-V4R) (ESC 2019 et 2023 [1]). Néanmoins, la correspondance entre les signes ECG et échocardiographiques est mauvaise.

  • Une extension au ventricule droit doit être envisagée devant un ST+ en V1 mais parfois ST+ décroissant de V1 à V3(V5) (électrodes explorant la paroi antérieure du VD) dont l’existence et l’amplitude aggravent le pronostic. L’enregistrement des dérivations V3R-V4R est recommandé (ESC 2023 [1]) pour rechercher une extension au ventricule droit (cf. Infarctus du VD). Voir ci-dessous (cf. occlusion CD 100%) un exemple de ST+ V2R-V6R sans relation avec un infarctus échographique du VD [9].

  • Une extension au territoire basal doit être envisagée devant l’existence d’un sous-décalage de ST dans les dérivations (V1)V2-V3(V4) (Cf. Infarctus basal). L’enregistrement des dérivations V8-V9 est recommandé (ESC 2023), mais à mon avis, cet enregistrement, qu’il objective ou non un ST+ en paroi basal, n’apporte rien à la prise en charge [9] (ECG 15 dérivations. BOF !).

  • Une extension latérale est possible en cas de ST+ en V5-V6 ou DI-VL (cf. Infarctus latéral)

 

Il faut encore citer l’infarctus inférieur ST+ contemporain d’un infarctus antérieur ST+ par occlusion d’une IVA enveloppante qui irrigue la face inférieure du VG (wrap-around artery). Merci au Dr S. Smith.

 

Artère occluse

L’artère occluse, coronaire droite (RCA) ou circonflexe (LCx) peut être reconnue par la lecture du tracé [1][2]. Voir algorithme ci-dessous.

 

Fiol algorithm

 

Diagnostics différentiels

  • patient symptomatique, la péricardite aiguë (surtout lors d’un syndrome de Dressler [13] ) et surtout l’embolie pulmonaire (DIII est une dérivation qui explore le VD [10], V1 aussi [11]).
  • patient asymptomatique, une repolarisation précoce dans une forme localisée [5] ou un rythme du sinus coronaire qui inverse le sens d’une repolarisation atriale : –> le ST- devient ST+ (cf. Repolarisation atriale)

 

Vidéo YouTube (P. Taboulet, 20 min, 2022) : Infarctus inférieur et complications rythmiques

 

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