Un bloc atrioventriculaire (BAV) complique fréquemment l’évolution d’un infarctus en phase aiguë. L’incidence de BAV de haut degré était proche de 2% dans une vaste etude multicentrique de 2018 [1] et de 7% (Mobitz 2, BAV Ht degré et BAV3) chez des patients traités par angioplastie en urgence dans une étude monocentrique de 2009 [5].
La bradycardie associée peut compromettre l’hémodynamique (ex. < 50/min). De plus, certaines pauses ventriculaires peuvent se compliquer de malaise, de syncope (parfois révélatrice) voire d’arrêt cardiaque.
Il faut distinguer le BAV intranodal par ischémie aiguë de l’oreillette droite (de type Mobitz 1 ou BAV 3, mais de bon pronostic) du BAV infranodal par ischémie aiguë du septum ventriculaire (de type Mobitz 2 ou BAV 3, de mauvais pronostic).
Bloc intranodal
Le bloc intranodal peut être secondaire à une hypertonie vagale ou à une ischémie directe du nœud AV, en cas d’occlusion de l’artère coronaire droite, notamment au cours d’un infarctus inférieur. On observe alors un bloc AV incomplet (bloc AV 1 ou bloc AV 2 Mobitz 1), un bloc AV 2/1 ou un bloc AV complet (3e degré) en général avec dissociation AV et QRS fins (ce bloc peut être sensible à l’atropine et est souvent transitoire). En cas de bloc complet, un rythme d’échappement jonctionnel ou ventriculaire plus ou moins rapide prend la commande du rythme cardiaque. Il n’y a pas de risque d’asystole.
Bloc infranodal
Le bloc infranodal contemporain d’un infarctus est secondaire à une ischémie directe du tronc ou du faisceau de His, en cas d’occlusion de l’interventriculaire antérieure, notamment au cours d’un infarctus antérieur [2][4]. L’infarctus peut se présenter sur l’ECG avec ou sans sus-décalage de ST.
Il peut se résumer dans les premières heures par l’apparition, qui doit toujours inquiéter, d’un BFAG > BBD > BBG > BFPG pur.
La survenue d’un BAV succède en général à l’apparition d’un BBD avec axe droit ou gauche, et plus rarement par un BBG [4]. Il peut débuter par un BAV1 voire BAV2 à QRS larges et évoluer soudainement vers un BAV de haut degré ou un BAV 3 avec dissociation AV et rythme d’échappement à QRS larges d’origine ventriculaire. Un risque de choc cardiogénique ou d’asystole existe avec mort subite.
Traitement
La stratégie de prise en charge d’un bloc intranodal et/ou bloc infranodal a fait l’objet de recommandations thérapeutiques précises dans la conférence nord américaine 2004 de prise en charge de l’infarctus à la phase aiguë. Ces recommandations précisent la place de l’atropine (A), de l’entraînement électrosystolique externe et de la sonde de stimulation endocavitaire [2]. D’autres recommandations internationales existent dans des guidelines moins spécifiques (2018 ACC/AHA/HRS [6] ou ESC 2021 [7]).
Le degré du bloc AV infranodal n’est réduit ni par l’atropine ni par l’isoprénaline, mais la cadence du rythme d’échappement ventriculaire et l’hémodynamique (souvent défaillante) peuvent être améliorées par les catécholamines (adrénaline, vasopressine) qui possèdent à la fois une action bathmotrope positive (attention aux ESV et TV dans le contexte d’un infarctus) et une action alphamimétique capable de restaurer une tension artérielle [9].
- L’isoprénaline n’est pas recommandée (mais n’est pas contrindiquée) en cas de bradycardie sévère ou bloc AV de haut degré à la phase aiguë d’un infarctus. Le traitement recommandé par ESC 2017 est l’épinéphrine ou la vasopressine (Ibanez [9]). En pratique, l’isoprénaline est souvent utilisée, malgré les risques d’arythmie ventiruclaire qu’elle peut induire.
- La survenue d’un bloc infranodal est de mauvais pronostic à court terme et il faut mettre en place un entraînement électrosystolique externe temporaire (en alerte ou en fonctionnement) si le traitement médicamenteux échoue et qu’une désobstruction coronaire n’est pas envisagée rapidement [2][8]. Une reperfusion rapide peut suffire à améliorer la conduction AV et IV.
Un entraînement électrosystolique transveineux est indiqué devant toute bradycardie symptomatique avec intolérance hémodynamique, habituellement liée à un bloc AV de haut degré.
La pose d’un entraînement électrosystolique transveineux est recommandée en priorité en cas d’apparition concomitante d’un bloc de branche.
S’il existe un risque de survenue d’une asystole ou si le traitement par atropine est inefficace, un entraînement électrosystolique transcutané est indiqué (pose des électrodes ± stimulation effective) de façon formelle en attendant la pose éventuelle d’un entraînement électrosystolique transveineux et/ou stimulateur cardiaque souvent définitif.
La lecture de l’article de Zimetbaum est recommandée+++ [4].
Table 1 les Guidelines of the American College of Cardiology and the American Heart Association for Temporary or Permanent Implantation of Pacemakers in Patients with Acute Myocardial Infarction.*
Cas cliniques
- challenge ECG (Circulation) [5]
- A man in his 40s who really needs you to understand his ECG [8] Passionnant
YouTube : ma playlist
Livres ECG de A à Z (P. Taboulet 2ed 2025) : https://www.livres-medicaux.com/auteur/11567-taboulet
Faîtes des quiz sur le site web (plusieurs niveaux de 1 à 3).
Compléments d’informations ci-dessous (extrait de 100 ECG autour de l’infarctus)
Quiz. L’algorithme a-t-il raison ?
Réponse : voir ci dessous références
Compléments d’information
Bradycardie sinusale et bloc AV
A- Infarctus aigu dans le territoire inférieur
Une bradycardie sinusale banale ou un bloc AV de degré variable peut survenir dans les premières heures en raison d’un tonus vagal élevé. Elle est parfois en compétition avec un rythme jonctionnel accéléré. Cette hypertonie vagale est sensible à l’atropine et disparait souvent dans les 24 premières heures. Passé ce délai, un bloc AV complet peut survenir progressivement en rapport avec un œdème inflammatoire et à une accumulation d’adénosine au niveau du nœud AV situé sur le plancher de l’oreillette droite laquelle est vascularisée par l’artère coronaire droite dans 90% des cas et sinon par l’artère circonflexe [3]. Ce bloc AV est moins sensible à l’atropine qu’en phase aiguë [4].
Toutes les formes de bloc AV (bloc intra-nodal) sont possibles, depuis le bloc AV du premier degré (allongement de l’intervalle PR ≥ 200 ms sans onde P bloquée), jusqu’au bloc AV du troisième degré (bloc AV complet avec dissociation AV) en passant par le bloc AV du deuxième degré Mobitz type 1 (allongement du PR jusqu’à une onde P bloquée) ou un bloc AV de haut degré (blocage de plusieurs ondes P consécutives). Le bloc AV complet est généralement associé à un rythme d’échappement jonctionnel à complexes QRS fins compris entre 40 et 60 battements par minute. Ce bloc a une tolérance hémodynamique généralement bonne (sauf infarctus associé du ventricule droit) et son pronostic est favorable. Il est généralement transitoire et disparaît dans les cinq à sept jours, mais peut persister jusqu’à deux semaines.
Un rythme d’échappement ventriculaire avec des complexes QRS larges peut signifier la présence d’un bloc de branche préexistant ou d’une ischémie associée dans le territoire de l’IVA responsable d’un bloc AV plus bas situé (bloc infra-nodal). Dans la plupart des cas, les anomalies de conduction associées à l’infarctus aigu du territoire inférieur se résolvent en deux semaines et aucune stimulation ventriculaire permanente n’est requise.
B- Infarctus aigu dans le territoire antérieur
Les anomalies de conduction AV ne sont pas liées à un tonus vagal élevé, mais à une nécrose du système de conduction infranodale (système de His-Purkinje). Ces anomalies surviennent presque exclusivement en présence d’une occlusion proximale de l’IVA et d’une nécrose septale. L’allongement de l’intervalle PR est modeste (habituellement < 0,25 sec), souvent associé à des complexes QRS larges (> 0,12 sec) et un aspect de bloc de branche droit. Le bloc AV du deuxième degré est généralement un Mobitz type II (onde P bloquée sans allongement préalable de l’intervalle PR) secondaire au blocage des influx dans le système de His-Purkinje.
Un bloc AV complet se traduit par rythme d’échappement ventriculaire à complexes QRS larges et une dissociation AV (Fig. 4). Il résulte d’une nécrose étendue du septum ventriculaire. Il survient généralement de manière abrupte au cours des 24 heures suivant l’infarctus du myocarde et il est presque toujours précédé par l’apparition d’un bloc droit avec déviation hypergauche de l’axe du cœur (bloc bifasciculaire). Il est plus rarement précédé par un bloc de branche gauche ou un hémibloc fasciculaire postérieur gauche ce qui implique une ischémie duale du réseau droit (coronaire droite) et gauche (IVA) [3][4].
Le bloc AV complet au cours d’un d’infarctus en territoire antérieur est beaucoup plus rare que le bloc AV au cours d’un infarctus en territoire inférieur, sa tolérance hémodynamique est généralement mauvaise et son évolution souvent défavorable nécessite la pose d’une stimulation ventriculaire permanente.
La suite est réservée aux membres et stagiaires du site.
Se connecter | Devenir membre | Devenir stagiaire