Takotsubo (ou tako-tsubo)

Cardiomyopathie aiguë catécholergique (ou « infarctus de stress à coronaires saines ») qui frappe en majorité la femme après 60 ans après un stress émotionnel intense (« syndrome du cœur brisé ») [1][1bis].

C’est une entité révélée par les Japonais en 1990 qui lui ont donné le nom d’un vase japonais utilisé pour la capture des poulpes ou « tako-tsubo ou takotsubo » en raison de l’aspect du cœur en ventriculographie qui révèle généralement une dysfonction du ventricule gauche sévère, avec ballonisation de l’apex du VG (transient left ventricular apical ballooning syndrome).

C’est un syndrome en rapport probable avec une dysrégulation du système nerveux autonome. Une dysfonction du système limbique est incriminée comme responsable du takotsubo (TK) [2]. Le rôle de fortes concentrations circulantes de catécholamines sur l’endocarde est avancé pour expliquer la sidération du ventricule gauche par le biais d’un spasme microvasculaire diffus, une atteinte myocytaire ou d’autres causes [3]. Les facteurs déclenchants, physiques (agression, chute, chirurgie…) ou émotionnels (annonce d’une mauvaise nouvelle, peur soudaine…), sont présents dans 2/3 des cas. La physiopathologie reste incertaine [11], mais progresse (revue 2025 [17] .

La présentation clinique est souvent similaire à celle d’un infarctus, mais l’incidence est beaucoup plus rare. Ainsi, en cas de suspicion d’infarctus, un TK est trouvé dans 1-2% (4th Universal MI 2018).

Le pronostic vital est engagé en phase aiguë. La mortalité initiale est proche de celle d’infarctus ST+ (1.8% selon [5] davantage pour l’ESC), mais l’altération initiale de la fraction d’éjection est en moyenne plus sévère en cas de TK [2]. En revanche, l’évolution se fait généralement vers la récupération complète de la fonction cardiaque, mais des séquelles cardiovasculaires et des récidives sont possibles (1% par an) [5].

La clinique

Elle est variée et peut associer douleur thoracique (inconstante), œdème pulmonaire ou choc cardiogénique, typiquement chez la femme après 60 ans après un stress émotionnel intense (« syndrome du cœur brisé ») ou une atteinte physique (post opératoire, traumatisme, agression…). Les formes atypiques sont nombreuses (ex. Syncope sur QT long…) et souvent méconnues (simples anomalies ECG) [4]. Lire l’épidémiologie rapportée dans la plus grande série publiée en 2019 par F. Pelliccia [5].

ECG

À l’admission, on objective, peut être en rapport avec le temps écoulé depuis le début des symptômes, soit un sus-décalage de ST, soit des ondes T inversées, symétriques et profondes (plutôt après 12-24 h) [6][10][15]. Ces anomalies prédominent et/ou diffusent principalement vers les dérivations antéro-inférieures (V2-V5-I-II-III-VF). Elles sont dynamiques et s’accompagnent généralement au cours de l’évolution d’un allongement du QT [14] et/ou un bas voltage des QRS (ou une atténuation du voltage au cours de l’évolution)  [10bis].

1- Sus-décalage de ST

Le sus-décalage de ST et des anomalies des QRS (Ondes Q, QS ou r rabotées) évoquent un infarctus ST+. Le ST+ et les ondes Q s’observent plus souvent autour de l’apex du cœur (V3-V4) [10] et l’amplitude du ST+ est moindre que dans les infarctus ST+. Les ondes Q sont plus rares que dans les infarctus ST+ [15].

Le pattern ST+ n’est pas la forme la plus fréquente de TK, mais la plus souvent associée à un “typical apical ballooning pattern[16]. Le sous-décalage de ST en miroir est modéré et limité le plus souvent à VR-V1 et parfois VL-V2 (dérivations les plus opposées à l’apex). Le tracé ECG est dynamique, mais évolue généralement plus lentement qu’un infarctus ST+.

2- Ondes T inversées

Les ondes T inversées sont très fréquentes au cours d’un TK, d’emblée ou surtout au cours de l’évolution . L’association d’ondes T inversées profondes avec intervalle QT long, parfois très long, est particulièrement évocatrice d’un TK [12]. Une onde T inversée observée dans ≥ 6 dérivations à J2 de l’admission serait plus sensible et spécifique d’un TK que d’un infarctus ST+ [15].

3 – L’intervalle QT long

L’intervalle QT s’allonge au cours de l’évolution et peut persister au delà de 7 jours (mise au point [14]). Une valeur du QTc > 500 ms expose à des torsades de pointe, parfois révélées par des syncopes ou des convulsions.

NB. D’autres anomalies ont été rapportées dans les séries [4] :

  • Un bas voltage des QRS (ou une atténuation du voltage au cours de l’évolution) serait présent dans 90% des cas et ajoute à la capacité diagnostique de l’ECG [10bis]
  • Aspect de péricardite aiguë (microvoltage, tachycardie, sus- ou sous-décalage de ST diffus…) [9]
  • BBG transitoire est possible, mais exceptionnel
  • Allongement de l’intervalle P-R ou un bloc intertrial
  • Sus-décalage de ST en aileron de requin (“shark fin”) [13].

Le diagnostic peut être très difficile dans les premières heures des symptômes.

La normalisation totale du tracé ECG est de règle en plusieurs jours à semaines [1bis][5] .

Biologie

L’élévation de la troponine est constante, mais souvent modeste [7][12], comparée à l’importance des signes électriques ou échographiques et l’élévation franche des peptides cardiaques natriurétiques (BNP et NT-proBNP) [8][13].

Échocardiographie

Elle montre typiquement un ballonnement apical et une hypokinésie limitée à l’apex du VG compatible avec un takotsubo [12]

Mais tous les ballonnements apicaux ne sont pas takotsubo. L’occlusion coronaire aiguë d’une IVA “enveloppant la pointe” entraînera les mêmes résultats.–> voir  ici.

Pour compléter vos connaissances: 20 Quiz (niveau 1-2) : Coronaropathie ?

 

Conduite à tenir

Le diagnostic de takotsubo est un diagnostic d’exclusion que l’on ne retient généralement qu’après coronarographie négative et imagerie positive (ventriculographie, échographie, IRM) afin d’écarter les diagnostics différentiels (infarctus ST+, cardiomyopathie,péricardite/myocardite, hémorragie cérébrale…) [12].

La coronarographie est normale (des lésions coronaires peuvent néanmoins coexister), mais la ventriculographie (ou IRM) révèle une dysfonction du ventricule gauche sévère, modérée à la base avec akinésie apicale (aspect de ballonisation en vase japonais pour la capture des poulpes ou « tako tsubo »). De plus, l’IRM montre un œdème intramyocardique et l’absence de nécrose/fibrose significative [6].

Voir aussi : sus-décalage de ST : généralités et ondes T inversées : étiologies

Blog de SW. Smith et LITFL

 

Autres ECG, références et différences entre Takotsubo et infarctus ST+ antérieurs (réservés aux abonnés)


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