Tachycardie antidromique

Tachycardie par réentrée atrioventriculaire antidromique (cf Conduction antidromique).

Physiopathologie

L’influx descend depuis une oreillette jusqu’au ventricule via un faisceau accessoire perméable dans le sens antérograde, puis il remonte vers l’oreillette par la voie nodo-hissienne de façon rétrograde avant de descendre à nouveau par le faisceau accessoire (“atrioventricular re-entrant tachycardia with retrograde conduction” ou AVRT tachycardia). Il s’agit d’une tachycardie paroxystique qui s’observe dans environ 5% des cas de syndrome de Wollf-Parkinson-White [1].

ECG

La tachycardie se caractérise par un rythme rapide et régulier (180/min, extrêmes 120-250/min) et des complexes QRS larges. L’oreillette est activée de façon rétrograde par voie nodo-hissienne avec un ratio 1:1, mais l’onde P rétrograde est rarement visible.

  • En cas de faisceau accessoire atrioventriculaire type faisceau de Kent, les complexes QRS per tachycardie ont un aspect différent d’un bloc de branche typique en raison de la dépolarisation directe du ventricule, sans passer la voie nodo-hissienne (« Super Wolff »). Le diagnostic différentiel majeur est une tachycardie ventriculaire, bien que la tolérance et le terrain soient généralement différents [3].
  • En cas de faisceau accessoire atrioventriculaire droit type fibres de Mahaïm, les QRS per tachycardie ont un aspect de retard gauche similaire à un bloc de branche gauche avec un axe normal (entre 0 et 75°).
  • Comme des voies accessoires multiples sont fréquentes, l’oreillette peut être dépolarisée de façon rétrograde par des fibres nodo-ventriculaires à conduction décrémentielle à l’origine d’une dissociation AV évoquant une tachycardie ventriculaire) [3]. De plus, certaines tachycardies nodales utilisent un faisceau accessoire pour le retour vers l’oreillette, ce qui peut rendre l’ECG et le traitement plus difficiles [7].

Il est difficile de distinguer sur l’ECG une tachycardie antidromique d’une tachycardie ventriculaire (a fortiori quand la notion de préexcitation ventriculaire ou de WPW n’est pas connue). Néanmoins, “un complexe QRS majoritairement positif dans les dérivations V4 à V6, pas de complexes QR dans les dérivations précordiales V2V6 et une relation atrio-ventriculaire 1:1 identifient une “AVRT antidromique” (algorithme de Steurer) [3][4]. La spécificité des premiers critères est excellente, mais la sensibilité est faible et donc ces signes peuvent manquer [5] ce qui est le cas dans les deux ECG ci-dessous…. Un VT score ≥ 3 est en revanche très spécifique d’une TV [5].

Ce n’est souvent qu’après cardioversion que l’on peut trouver (en cherchant bien) une préexcitation ventriculaire (PR court, onde delta, QRS élargis). Elle peut manquer ou être minime (cf. Préexcitation mineure ou cachée) [6].

 

NB. La tachycardie antidromique observée en cas de réentrée par des fibres de Mahaïm a un aspect de retard gauche type BBG (“tachycardie de Mahaïm”) car ces fibres à conduction décrémentielle dépolarisent en premier le ventricule droit. Cette tachycardie ne présente pas de risque spécifique lors de sa cardioversion.

L’exploration électrophysiologique

Elle est essentielle pour comprendre le mécanisme de ces tachycardies AV préexcitées, car le substrat et les circuits de conduction sont complexes [7] (cf. Triangle de Coumel).

Recommandations ESC 2019 [1]

Une tachycardie par réentrée AV antidromique est généralement bien tolérée. Cependant, il est possible que le patient passe à une fibrillation atriale avec réponse ventriculaire très rapide (comme dans le cas d’une fibrillation atriale préexcitée ou d’un super-Wolff) soit spontanément, soit au moment de la cardioversion. Le risque de transformation secondaire en fibrillation ventriculaire, exceptionnel, mais réel, doit rester en mémoire [2] et du matériel pour une cardioversion électrique doit toujours être disponible [1].

L’adénosine n’est pas recommandée (mais n’est pas contrindiquée) pour le traitement d’une tachycardie régulière à QRS larges, lorsqu’une préexcitation ventriculaire est connue ESC 2019 [1] (cf. Adénosine mode d’emploi, précautions).

 

A – Si l’hémodynamique est compromise :  cardioversion électrique en condition d’anesthésie (ex. propofol).

B – Sinon on peut considérer une cardioversion pharmacologique en tenant compte des précautions d’emploi de chaque médicament :

  • Tous les antiarythmiques qui freinent ou bloquent la conduction dans le nœud AV sont en théorie efficaces (sauf dans le cas de x voies accessoires) [1].
  • L’adénosine peut déclencher, après cardioversion, un passage en fibrillation atriale préexcitée, conduite aux ventricules par le faisceau accessoire (cf. Super Wolff) et parfois à l’origine d’une insuffisance circulatoire aiguë [2]. Elle n’est pas recommandée (mais n’est pas contrindiquée).
  • Pour réduire une tachycardie par réentrée AV antidromique, il faut privilégier l’emploi de médicaments qui ralentissent la conduction dans le faisceau accessoire (classe 2A) [2].
    • La flécaïnide (seul produit disponible IV en France en 2020), l’ibutilide, la procainamide, la propafénone ou une cardioversion électrique peuvent s’avérer nécessaires si les manœuvres vagales et l’adénosine * n’ont pas fonctionné (classe 2A).
    • L’amiodarone IV peut être envisagée dans certains cas (classe 2B).

Lire aussi une synthèse des Reco. ESC en français janv. 2021 (Réalités cardiologiques)

 

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ECG de A Z (P. Taboulet 2ed 2025) : https://www.livres-medicaux.com/auteur/11567-taboulet

 

Blog de SW Smith  (anglais)

 

Autres ECG et références


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